La « nation » et la « patrie » sont le degré zéro de la communauté humaine — je crois que la formule est d’Antonin Artaud. Et encore, je dirais même que ces concepts sont la négation même de la communauté humaine. Il faut partir de ce constat-là, sans quoi c’est le naufrage dans la barbarie. On le voit de nouveau aujourd’hui. On ne peut faire aucune concession face au nationalisme. ( Jorge Valadas)
Notre époque s’est spécialisée dans la création du manque : de sens pour la vie en société, de sens pour l’expérience de la vie elle-même. (Ailton Krenak )
L’intensification
de la course à la puissance s’accompagne de la mise en place,
partout dans le monde, d’un néo-conservatisme remettant en cause
les principes même de la démocratie formelle. Comme l’écrivait
Wendy Brown dès 2003, cette politique légitime un état qui « se
consacre au développement d’une religion civique associant la
forme de la famille, les pratiques consuméristes, la passivité
politique et le patriotisme, et qui est ouvertement et offensivement
impérialiste », n’hésitant pas pour cela à réintroduire la
religion dans la vie publique.
Trump est soutenu par la secte
évangélique, le christianisme redevient une référence politique
en Europe, la dictature de Poutine s’appuie sur l’église
orthodoxe, la Chine développe un nationalisme d’inspiration
néo-confucianiste, l’Inde un nationalisme hindou, le Moyen-Orient
est dominé par des théocraties, etc. Ainsi, s’affirme un peu
partout l’association entre la rationalité technoscientifique et
l’irrationalité religieuse, permettant de mobiliser les masses
dans des « conflits de civilisation » artificiellement établis.
(Jacques Luzi)
La psychologie positive véhicule une idéologie qui a quelque chose de sombre et d'insidieux. Elle condamne ceux qui critiquent la société, les iconoclastes, les dissidents, les individualistes, parce qu'ils refusent de capituler, de se joindre au beuglement d'un troupeau soumis à la culture d'entreprise. Elle étouffe la créativité et l'autonomie morale, et cherche à engoncer l'individu dans le carcan de la docilité collective. Le principal enseignement de ce courant, qui s'inscrit dans l'idéologie de l'État-entreprise, veut que l'épanouissement passe par un conformisme social absolu, digne des systèmes totalitaires. Sa fausse promesse d'harmonie et de bonheur ne fait qu'exacerber l'anxiété et le sentiment d'impuissance des individus. (Chris Hedges)
Chacun
peut constater que l'inconscience fondamentale du capitalisme, son
automatisme incontrôlable arrivé à un point de domination sans
limite entraîne inexorablement l'humanité et la planète vers la
catastrophe.
Cette course vers l'abîme se manifeste
universellement par quelques effets principaux et intrinsèquement
liés :
- l'épuisement de la nature, son saccage nécessaire et
le réchauffement du climat sont d'ores et déjà un facteur
d'instabilité économique, de migrations climatiques et de conflits
armés ;
- la numérisation sans limites de toutes les activités
humaines entraîne la formation croissante d'une population
surnuméraire inutile, y compris chez ces classes moyennes
occidentales qui sont encore le centre de la production et de la
reproduction du système ;
- la disparition des mœurs,
activités et constructions humaines non nécessaires à cette
hyper-modernité et leur reconstruction fonctionnelle technicisée
entraîne un malaise social palpable, une dégradation globale de la
santé, un effondrement de la personnalité, une perte de sens de la
vie.
Ces trois facteurs principaux entraînent nécessairement
une corruption généralisée, une dislocation sociale, un chaos
géopolitique et un renforcement de l'État profond, celui du
contrôle social armé. (…)
Aucune
des trois options politiques très récentes apparues face à la
crise ne peut ralentir ou corriger en quoi que ce soit la marche
d'une société mondiale si unifiée dans la circularité de ses
mécanismes inconscients - profit capitaliste, tautologie du
spectacle, gestion numérisée de toutes les activités humaines.
Pour schématiser, ni le pseudo-repli nationaliste à la Trump, ni la
fuite en avant ultra-libérale à la Macron, ni la gestion
citoyenniste à la Podemos ne peuvent influer en rien sur le
déchaînement de ces "forces productives", sauf chacun à
sa manière à accentuer la bureaucratisation du monde. (Jacques Phipponneau)