dimanche 3 août 2025

Carnet de citations : Société N° 44


 

La « nation » et la « patrie » sont le degré zéro de la communauté humaine — je crois que la formule est d’Antonin Artaud. Et encore, je dirais même que ces concepts sont la négation même de la communauté humaine. Il faut partir de ce constat-là, sans quoi c’est le naufrage dans la barbarie. On le voit de nouveau aujourd’hui. On ne peut faire aucune concession face au nationalisme. ( Jorge Valadas)

Notre époque s’est spécialisée dans la création du manque : de sens pour la vie en société, de sens pour l’expérience de la vie elle-même. (Ailton Krenak )

L’intensification de la course à la puissance s’accompagne de la mise en place, partout dans le monde, d’un néo-conservatisme remettant en cause les principes même de la démocratie formelle. Comme l’écrivait Wendy Brown dès 2003, cette politique légitime un état qui « se consacre au développement d’une religion civique associant la forme de la famille, les pratiques consuméristes, la passivité politique et le patriotisme, et qui est ouvertement et offensivement impérialiste », n’hésitant pas pour cela à réintroduire la religion dans la vie publique.
Trump est soutenu par la secte évangélique, le christianisme redevient une référence politique en Europe, la dictature de Poutine s’appuie sur l’église orthodoxe, la Chine développe un nationalisme d’inspiration néo-confucianiste, l’Inde un nationalisme hindou, le Moyen-Orient est dominé par des théocraties, etc. Ainsi, s’affirme un peu partout l’association entre la rationalité technoscientifique et l’irrationalité religieuse, permettant de mobiliser les masses dans des « conflits de civilisation » artificiellement établis. (Jacques Luzi)

La psychologie positive véhicule une idéologie qui a quelque chose de sombre et d'insidieux. Elle condamne ceux qui critiquent la société, les iconoclastes, les dissidents, les individualistes, parce qu'ils refusent de capituler, de se joindre au beuglement d'un troupeau soumis à la culture d'entreprise. Elle étouffe la créativité et l'autonomie morale, et cherche à engoncer l'individu dans le carcan de la docilité collective. Le principal enseignement de ce courant, qui s'inscrit dans l'idéologie de l'État-entreprise, veut que l'épanouissement passe par un conformisme social absolu, digne des systèmes totalitaires. Sa fausse promesse d'harmonie et de bonheur ne fait qu'exacerber l'anxiété et le sentiment d'impuissance des individus. (Chris Hedges)

Chacun peut constater que l'inconscience fondamentale du capitalisme, son automatisme incontrôlable arrivé à un point de domination sans limite entraîne inexorablement l'humanité et la planète vers la catastrophe.
Cette course vers l'abîme se manifeste universellement par quelques effets principaux et intrinsèquement liés :
- l'épuisement de la nature, son saccage nécessaire et le réchauffement du climat sont d'ores et déjà un facteur d'instabilité économique, de migrations climatiques et de conflits armés ;
- la numérisation sans limites de toutes les activités humaines entraîne la formation croissante d'une population surnuméraire inutile, y compris chez ces classes moyennes occidentales qui sont encore le centre de la production et de la reproduction du système ;
- la disparition des mœurs, activités et constructions humaines non nécessaires à cette hyper-modernité et leur reconstruction fonctionnelle technicisée entraîne un malaise social palpable, une dégradation globale de la santé, un effondrement de la personnalité, une perte de sens de la vie.
Ces trois facteurs principaux entraînent nécessairement une corruption généralisée, une dislocation sociale, un chaos géopolitique et un renforcement de l'État profond, celui du contrôle social armé.
(…) Aucune des trois options politiques très récentes apparues face à la crise ne peut ralentir ou corriger en quoi que ce soit la marche d'une société mondiale si unifiée dans la circularité de ses mécanismes inconscients - profit capitaliste, tautologie du spectacle, gestion numérisée de toutes les activités humaines. Pour schématiser, ni le pseudo-repli nationaliste à la Trump, ni la fuite en avant ultra-libérale à la Macron, ni la gestion citoyenniste à la Podemos ne peuvent influer en rien sur le déchaînement de ces "forces productives", sauf chacun à sa manière à accentuer la bureaucratisation du monde.       (Jacques Phipponneau)  


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