mardi 4 août 2015

CARNET DE CITATIONS Société 13




« Qu'est-ce donc que l'intuition d'un écrivain ? Mettons quelque aptitude à attendre une synthèse en omettant toute analyse, de saisir et représenter synthétiquement, - par des états d'âme, par des symboles, par des emblèmes, - ce que Machiavel nommait "la vérité factuelle des choses". Est-ce bien tout ? Il faut aussi une condition pour que cette aptitude s'exerce sur les événements contemporains, sur la masse pesante de l'histoire quotidienne : et cette condition, c'est l'indépendance, l'isolement, l'absence de tout lien avec chaque forme de pouvoir constitué quel qu'il soit, l'indifférence à tout chantage économique, idéologique, culturel, voire sentimental. » (Sciascia)

« Il est pour le moins piquant d’encourir le reproche d’utopie de la part de politiques dont la carence mentale et imaginative a mené toutes les classes de la société à un désespoir que n’a cessé d’accroître l’absurdité de leur système de gestion. » (Vaneigem)

« Dans ces conditions, le peuple, plutôt que se leurrer lui-même, avait développé une technique étonnante : faire disparaître tout "moi" susceptible d'être trompé. Aussi les jeunes gens, avec une apparence d'insensibilité stupéfiante, ne montraient-ils pas la moindre douleur sur leur visage quand on leur découpait une portion de derrière pour s'en faire une côtelette, habitués qu'ils étaient à être traités comme des porcs. » (Mitsuharu Kaneko)

« Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. » (Blaise Pascal)

« Si l’œuvre littéraire - fragment de société, de milieu ou d'expérience vécue - doit être un processus, un miroir, le miroir projette son reflet sur le processus et détermine du même coup son degré d'appartenance à la vie qui l'entoure et à son atmosphère. » (Franz Jung)

« Ce qui se voit aujourd'hui en plein, et que Günther Anders et Adorno avaient pour leur part fait plus qu'entrevoir : l'obsolescence de l'amour et la mécanisation du sexe. » (Eyguesier)

« Les sociétés contemporaines tout entières ressemblent à un grand bordel triste et sinistre : tout le monde y travaille et y consomme sans joie. Et tout le monde paye, avec l’argent et sur sa peau, le prix. Sans avoir besoin d’être saints, nos contemporains portent sur leurs visages les stigmates douloureux de leur soumission. Chacun, dépaysé, promène son pauvre corps, réifié par tout ce qu’on lui inflige, en arborant le cadavre de sa propre individualité crucifiée, comme s’il était encerclé par une bulle transparente d’incommunicabilité hostile et impénétrable, accompagné par une insurmontable méfiance de l’autre, par un manque de curiosité sans limites, soutenue par une passivité inlassable, une lâcheté active, dans un paysage de vulgarité et d’épouvante. » (Sanguinetti)

« J'ai été appelé étrange, excentrique, bizarre, fou, solitaire, insociable, misanthrope. Il est sans doute bien vrai que je suis : étrange par rapport au banal, excentrique par rapport au bourgeois, bizarre par rapport à l'ordinaire, fou par rapport au cartésien, solitaire et sauvage par rapport au mouton, misanthrope par rapport au philanthrope. Mais il ne me semble pas qu'on se soit jamais demandé si j'étais tout cela parce que j'aimais l'être ou parce que la bêtise, l'ignorance, la vulgarité, l'étroitesse d'esprit, le manque de goût, de sensibilité et d'imagination des autres ne m'avaient pas laissé le choix. » (Malkine)

« Que pourraient bien attendre de l'expérience surréaliste ceux qui gardent quelque soucis de la place qu'ils occuperont dans le monde ? » (Breton)

« Et quand bien même l'on serait seul, au plus désolé de la solitude, c'est encore autrui, la présence de l'autre, de tous les autres, qui étoffe notre vie. » (Malaquais)