mardi 24 novembre 2015

CARNET DE CITATIONS Société 14




« Cette norme de la concurrence ne naît pas spontanément en chacun de nous comme un produit naturel du cerveau, elle n'est pas biologique, elle est l'effet d'une politique délibérée. C'est avec l'aide très active de l’État que l'accumulation illimitée du capital commande de façon de plus en plus impérative et rapide la transformation des sociétés, des rapports sociaux et des subjectivités. »
(Dardot et Laval)

« Ils vivent un éternel présent, aux antipodes de toute éternité, qui absorbe les uns après les autres les instants vides et qui s'empresse de les jeter aussitôt consommés dans la poubelle de l'oubli où ces moments déchus ne formeront jamais un passé. » (Bégout)

« Mais ces ruines modernes qui composaient de plus en plus le paysage urbain ne signifiaient rien de plus que le mépris de l'époque pour toute idée de durée, l'acceptation mesquine de la précarité. » (Bégout)

« L'absolutisme d'hier méprisait le vilain et le dévorait sans assaisonnement; le totalitarisme d'aujourd'hui flatte le peuple et le dévore en ragoût. » (Malaquais »

« Le diable ne sait plus où donner de la tête, tant le sollicite de toutes parts quiconque pense avoir un brin d'âme à vendre. » (Malaquais)

« Ce que Kracauer, en 1930, diagnostiquait comme culture des employés, la superstructure institutionnelle et psychologique qui, à cette époque, faisait illusion aux prolétaires à col blanc immédiatement menacés par la crise, en leur faisant croire qu'ils étaient quelque chose de meilleur et, ainsi, les retenait à la "perche" de la bourgeoisie - depuis lors, cette superstructure, dans la conjecture longtemps persistante, est devenue l'idéologie universelle d'une société qui se méconnaît elle-même. » (Adorno)

« Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. » (Marx)

« Ces astuces qui soutiennent l’État, tours de passe-passe
Que nous nommons profonds desseins politiques.
La machine, mal montée, s'effondre,
Les écrans glissent et laissent tout voir :
Comme le truquage saute vite aux yeux !
Que c'est simple ! Quelle triche grossière !
Voyez donc le nœud de la poulie !...
Quelle pauvre machine actionne
Les pensées des monarques et les plans des États ! »  (Swift)

« On voudrait nous voir résignés et entonner le chant de la désillusion, le cri du désespoir. Nous pensons qu'il y a là la pire des dispositions, l'option de l'impuissance. (...) Chaque époque est traversée d'enjeux singulièrement nouveaux, auxquels correspondent des façons singulièrement nouvelles de se confronter au monde. » (Morbois)

« L'internaute après tout n'est que l'aboutissement délirant d'un long processus d'isolement des individus et de privation sensorielle. » (Baudouin de Bodinat)

« Pour le Marx de 1844, l'homme aliéné (...), c'est l'homme auquel est dérobée la dimension objective de son propre être, au point qu'il en vienne à se concevoir lui-même comme un être détaché de l'objectivité et essentiellement différent d'elle. » (Fischbach)

dimanche 8 novembre 2015

Carnet de citations - Poésie 4

                                                 Max Ernst 1927 - Vision Porte Saint-Denis




« Plus à portée de l’homme il est d’autres coïncidences
Véritables fanaux dans la nuit du sens
C’était plus qu’improbable c’est donc exprès
Mais les gens sont si bien en train de se noyer
Que ne leur demandez pas de saisir la perche. »   (Breton)

« Société, tout est rétabli : — les orgies
Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars :
Et les gaz en délire aux murailles rougies
Flambent sinistrement vers les azurs blafards ! » (Rimbaud)


Rue Aubry-le-Boucher (en démolition)

Rue Aubry-le-Boucher on peut te foutre en l'air,
Bouziller tes tapins, tes tôles et tes crèches
Où se faisaient trancher des sœurs comaco blèches
Portant bavette en deuil sous des nichons rider.

On peut te maquiller de béton et de fer
On peut virer ton blaze et dégommer ta dèche
Ton casier judiciaire aura toujours en flèche
Liabeuf qui fit risette un matin à Deibler.

À Sorgue, aux Innocents, les esgourdes m'en tintent.
Son fantôme poursuit les flics. Il les esquinte.
Par vanne ils l'ont donné, sapé, guillotiné

Mais il décarre, malgré eux. Il court la belle,
Laissant en rade indics, roussins et hirondelles,
Que de sa lame Aubry tatoue au raisiné. 
(Desnos)

Au coin des rues Saint-Martin et de la Verrerie
Une plume flottait à ras du trottoir
Avec de vieux papiers chassés par le vent.
Un chant d’oiseau s’éleva square des Innocents.
Un autre retentit à la Tour Saint-Jacques.
Il y eut un long cri rue Saint-Bon
Et l’étrange nuit s’effilocha sur Paris.
(Desnos)

« Tandis que je traversais de nuit le confluent des fleuves dans les aveugles cris à pied et en voiture de mes hommes, dans les feux des torches de pin où nous cherchions les basses eaux, dans les étoiles éparses stationnaires sur la grève, dans le dense parfum des fumées sous le vent, il me sembla entendre le malheur et la voix des rencontres déçues. » (Shi Su)