mercredi 21 novembre 2018

CARNET DE CITATIONS : HISTOIRE/HISTORIOSOPHIE 20



« L'observation du temps présent nous enseigne comment chaque fait peut être tour à tour différemment appréhendé, raconté, contextualisé - suivant la diversité des points de vue; elle nous enseigne comment chaque action, dans la vie privée non moins que dans la vie publique, fait l'objet d'interprétations les plus contradictoires. (...) Et s'il en est ainsi du contenu "objectif" de l'histoire qu'advient-il alors de la vérité historique ? L'idée de vérité se conçoit-elle sans celle de véracité (Richtigkeit). » (Droysen)

« Notre affliction et notre douloureuse désillusion provoquées par le comportement non civilisé de nos concitoyens du monde durant cette guerre étaient injustifiées. Elle reposait sur une illusion à laquelle nous nous étions laissés prendre. En réalité, ils ne sont pas tombés aussi bas que nous le redoutions, parce qu'ils ne s'étaient absolument pas élevés aussi haut que nous l'avions pensé. » (Freud)

« Partout où les mouvements sociaux et intellectuels contre la guerre et les brutales restrictions du capitalisme en crise menaçaient de franchir un seuil critique et de briser la pseudo-loi naturelle de la subordination de toutes les ressources sociales au principe irrationnel de la valorisation, les appareils démocratiques laissèrent apparaître l'hideuse face violente de l'état d'exception.
(...) Le construit de la "souveraineté du peuple" s'avéra dans la pratique une contre-vérité et le travestissement idéologique d'un principe de réalité profondément répressif sous les impératifs duquel l'individu-citoyen n'est molécule de souveraineté que dans la mesure où il se livre inconditionnellement, sur le plan socio-économique, aux formes évolutives de la fin en soi irrationnelle du capitalisme et, en ce sens, s'opprime lui-même. » (Kurz)

« Ce ne sont pas les choses passées qui reprennent de l'éclat -elles ne sont plus-, mais ce qui, ici et maintenant, n'en est pas encore révolu. Ces lueurs qu'on ravive nous tiennent lieu des choses passées; elles en sont comme la présence spirituelle. » (Droysen)

« L'essence de l'interprétation, c'est de voir dans les événements passés des réalités selon toute la plénitude des conditions qu'exigeaient leur réalisation et leur existence. » (Droysen)

« Ce qui a été établi par la recherche sera présenté avec d'autant plus d'exactitude que l'on sera conscient de ce que l'on sait ainsi de ce que l'on ignore. » (Droysen)

« Ce n'est qu'en apparence que les "faits" ici - et eux seuls, exclusivement, "objectivement" - parlent d'eux-mêmes. Ils seraient muets sans le narrateur qui les fait parler.
Ce n'est pas "l'objectivité" qui est la plus grande gloire de l'historien. Sa manière à lui de faire justice, c'est de chercher à comprendre. » (Droysen)

« Le passé devient ou redevient présent en fonction de la réalisation des possibles enveloppés objectivement dans le passé. Il se dévoile et s’actualise avec eux. » (Lefebvre)

« Mais elle, la contradiction, est la racine de tout mouvement et de toute manifestation vitale; c'est seulement dans la mesure où elle renferme une contradiction qu'une chose est capable de mouvement, d'activité, de manifester des tendances ou impulsions. » (Hegel)

« Ce que nous considérons aujourd'hui comme la "civilisation chinoise" est intimement lié au despotisme impérial. Je pense qu'elle a été conçue pour empêcher l'émergence de la personne, au sens que je viens de donner à ce mot. » (Billeter)

jeudi 1 novembre 2018

Carnet de citations - Poésie 6

                                                                                               Toyen (1937)


« Mon cœur ne sait plus distinguer entre l'appât et le piège;
Un avis me pousse vers la mosquée, l'autre vers la coupe;
Pourtant, le vin, l'aimée et moi
Nous sommes mieux cuits dans une taverne que crus dans un monastère. » (Khayyam)

« Médecin solitaire
dans cette maison de fous
j'ai chanté mes chants médecines. » (Khlebnikov)

« Indolentes, d'humeur matinale, des vaguelettes humectaient le sable à ses pieds. Il écoutait la mer, le très ancien récit de la mer, chaque vague sa voix unique, infiniment juste, celle-là précisément qu'il espérait, qu'il avait besoin d'espérer. » (Malaquais)

« De vos largesses importunes,
Marchands, je me ris !
Car en une nuit, rien qu'une,
Des châteaux je me construis.

Mes palais sont bottes de paille - mais basta !
Mon chemin ne passe pas - par chez toi. »
(Marina Tsvétaïva)

« Mes vieux amis partagent mes goûts
Ils viennent ici une jarre à la main.
Assis par terre sous un pin,
Quelques rasades et nous voilà ivres. » (Tao Yuanming)

« Le monde est au mieux un jeu d'enfant,
Comme un rêve, à l'envers.
Ce n'est que dans le vin que l'homme devient lui-même.
Et son esprit une grotte vide de doute. » (Su Dongpo)

« Le bandeau de l'époque sur les yeux, nous ne savons dessiner que les carcasses de maisons.
Au fond de l'aube, les racines du cœur.

L'épuisement
Le silence
La légèreté

La lumière emmêlée
La cellophane du matin s'enroule sur elle-même
Les bribes des mots se rétractent dans les touffes d'herbe
Le sentier conduit vers l'enfance des ombres. » (A. Le Brun)

« Ils débarquèrent sur des plages tièdes peuplées de lucioles - paillettes bon marché de la nuit cosmique… » (Lascano Tegui)

« La pierre est un journal impressionniste du temps, avec ses notes thésaurisées par des millions d'intempéries. » (Mandelstam)

« Qu’il vienne, qu’il vienne
Le temps dont on s’éprenne. » (Rimbaud)