vendredi 22 août 2014

CARNET DE CITATIONS Société 7



« Que la grande majorité des hommes (y compris le sexe faible tout entier) tienne aussi pour très dangereux ce pas en avant vers leur majorité, outre que c'est une chose pénible, c'est à quoi s'emploient fort bien les tuteurs qui, très aimablement, ont pris sur eux d'exercer une haute direction sur l'humanité. Après avoir rendu bien sot leur bétail, et avoir soigneusement pris garde que ces paisibles créatures n'aient pas la permission d'oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ont enfermées, ils leur montrent le danger qui les menace, si elles essaient de s'aventurer seules au dehors. » (Kant)

« Et dans les banlieues de Paris comme dans les bidonvilles de Buenos Aires,
dans les ghettos de La Nouvelle-Orléans comme dans les faubourgs de Bagdad,
dans les rues de Séoul comme dans les quartiers d’Athènes, le "peuple" prétendu "souverain", a compris que la "démocratie", concrètement, c'est la police, dotée d’un arsenal ultramoderne, au service du pouvoir absolu d’une caste vulgaire, arrogante et mesquine, mais propriétaire exclusive, par héritage ou par rapine, des plus immenses richesses, des plus colossales fortunes jamais accumulées : la bourgeoisie internationale. » (Wolff)

« Le seul signe auquel on reconnaissait l'utilité des produits, était qu'il se trouvât des acheteurs -- raisonnables ou stupides, peu importait. » (Morris)

« La nature humaine ! Quelle nature humaine ? La nature humaine des indigents, des esclaves, des maîtres d'esclaves, ou la nature humaine d'hommes libres, prospères ? Laquelle ? Voyons, dites ! » (Morris)

« Ce qui est soumis au jugement du public acquiert de la Publicité. » (Habermas)

à propos de Gustav Landauer :
« Ce qui est déterminant enfin dans ses analyses critiques, et qui se vérifie de plus en plus, c'est que l’État n'est pas seulement une machinerie politique, mais une réalité psychologique et morale ; un mode de relation entre les hommes, caractérisé par la démission, la peur de la liberté, le manque de confiance en soi, et, complémentairement, par la volonté de puissance, l'arrivisme et le mépris. D'où la formulation essentielle de son "socialisme utopique" : lutter contre l’État, c'est d'abord mener une autre vie, construire une autre culture et inventer d'autres relations. » (Furth)

« Dans la plupart des troupeaux il y avait une sorte de chef yahoo qui était toujours le plus mal bâti et le plus malfaisant de tous. Le meneur avait généralement un favori aussi semblable à lui-même qu'il pouvait le découvrir, dont la fonction était de lécher les pieds et le postérieur de son maître, et de conduire les femelles yahoos à son chenil.(...) Il conserve d'habitude ses fonctions jusqu'à ce qu'on trouve à le remplacer par un plus méchant que lui. » (Orwell/Swift)

« (Qu'est-ce que la liberté?)
Ce qui d'ordinaire demeure intact dans les époques de pétrification et de fatale prédestination est la faculté de liberté elle-même, la pure capacité de commencer qui anime et inspire toutes les activités humaines et qui est la source cachée de la production de toutes les grandes et belles choses. » (Arendt)

« Si la presse avait eu pour dessein de permettre au lecteur d'incorporer à sa propre expérience les informations qu'elle lui fournit, elle serait loin de compte. Mais c'est tout le contraire qu'elle veut, et qu'elle obtient. Son propos est de présenter les événements de telle sorte qu'ils ne puissent pénétrer dans le domaine où ils concerneraient l'expérience du lecteur. » (Benjamin)

lundi 18 août 2014

Carnet de citations - Histoire/ Historiosophie 9



 « On prenait un aventurier hardi, sans principes, ignorant (il n'était pas difficile à trouver à l'époque de la concurrence), et on l'invitait à "créer un marché" en brisant tout ce qu'il pouvait y avoir de traditions sociales dans le pays condamné, en y détruisant à loisir tout ce qui lui plairait. Il forçait les indigènes à recevoir des produits dont ils n'avaient pas besoin et s'emparait de leurs produits naturels en "échange" --c'était le nom de cette sorte de vol,-- et, par là il "créait de nouveaux besoins", et pour y suffire (c'est-à-dire pour que leurs nouveaux maîtres leur permissent de vivre), les malheureux, impuissants, étaient obligés de se vendre et se soumettre à l'esclavage de l'écrasant travail sans espoir, afin d'avoir de quoi acheter les inutilités de la "civilisation". » (Morris)

« L'appétit du marché mondial croissait en raison du travail dont il se nourrissait : les pays compris dans le cercle de la "civilisation" (c'est à dire de la misère organisée) regorgeaient des rebuts du marché, et la force et la ruse étaient employées sans frein à "l'ouverture" des pays hors de ces limites. Ce procédé d'"ouverture" est étrange pour quiconque a lu les professions de foi des hommes de cette époque, mais n'a pas pénétré leur manière d'agir (...) : la pratique d'une affectation hypocrite pour éviter la responsabilité d'une férocité réelle. » (Morris)

« La Presse cependant fut tout de suite et systématiquement mise au service des intérêts du pouvoir. En mars 1769 encore, un décret sur la Presse, pris par le gouvernement de Vienne, renseigne sur le style de cette pratique : "Afin que les journalistes puissent savoir quelle sorte de décrets, de dispositions concernant le pays et autres événements, il convient de livrer au public, ces nouvelles feront chaque semaine l'objet d'un résumé de la part des autorités et seront ainsi transmises aux rédacteurs des journaux." » (Habermas)

« Landauer décrit admirablement ce qu'il appelle un "grandiose raccourci", ce "laps de temps incroyablement court" où s'accomplit, comme dans un rêve, la totalité du possible révolutionnaire, avant que ne revienne le "jour gris" du long découragement, qui pourtant n'effacera pas la mémoire de cette irruption de l'esprit, jusqu'au retour de la lumière, lorsqu'une fois encore, comme il l'écrit dans l'Appel au socialisme (1911), "l'incroyable, le miracle se déplace vers le royaume du possible". » (Collectif)

 Hongrie 1956
« Lorsque la AVH (police politique ayant en charge la surveillance du bâtiment de la radio) tenta de disperser la foule en tirant quelques coups de feu, la révolution éclata. La marée humaine attaqua la police et se procura ainsi ses premières armes. La nouvelle s'en répandit auprès des ouvriers, dans les usines, qui abandonnèrent le travail et rejoignirent la foule. Les unités de police envoyées soutenir les policiers armés se rallièrent à la foule et partagèrent avec elle leurs propres armes. Ce qui avait commencé comme une manifestation d'étudiants s'était transformé en moins de 24 heures en insurrection armée. » (Arendt)

« Dans une brève esquisse d'organisation nationale que la Commune n'eut pas le temps de développer, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne et que dans les régions rurales l'armée permanente devait être remplacée par une milice populaire à temps de service extrêmement court. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu du département, et ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris; les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs.
L'unité de la nation ne devait pas être brisée, mais au contraire organisée par la Constitution communale; elle devait devenir une réalité par la destruction du pouvoir d’État qui prétendait être l'incarnation de cette unité, mais se voulait indépendant de la nation même, et supérieur à elle, alors qu'il n'en était qu'une excroissance parasitaire. » (Marx)