dimanche 28 septembre 2014

CARNET DE CITATIONS Société 8

     

« Cet indifférence brutale, cet isolement insensible de chaque individu au sein de ses intérêts particuliers, sont d'autant plus répugnants et plus blessants que le nombre de ces individus confinés dans cet espace réduit est plus grand. » (Engels)

« Une noble indifférence envers les sphères de la richesse et de la pauvreté a totalement disparu des choses aujourd'hui fabriquées. Chacune impose sa marque à son propriétaire, qui a seulement le choix entre paraître un pauvre diable ou paraître un profiteur. Car, si l'esprit et la sociabilité peuvent pénétrer le luxe authentique et le faire oublier, ce qui se répand ici en fait de produits de luxe exhibe une lourdeur si impudente que tout rayonnement spirituel se brise à son contact. » (Benjamin)

« Il n'est de vraie coercition que celle qui rencontre l'assentiment de celui sur lequel elle s'exerce.
Gouverner ne consiste en rien d'autre qu'à épouser les désirs des hommes pour les faire travailler à son profit tout en leur faisant croire qu'ils contribuent à la satisfaction de leur intérêts égoïstes. Chen Tao, un penseur contemporain de Tchouang tseu a cru pouvoir fonder la machine administrative sur ce principe. La méthode sera reprise par Han Fei. Il en fera l'un des piliers de l'ordre totalitaire. » (Lévi)

« Dans l’ordre suprême de ton monde
les réalités sont aussitôt détrempées
et élevées au degré des apparences. »  (Pansaers)

« Ce qu’on n’osait plus trop dire jusqu’au début de la décennie – que l’essence du totalitarisme n’a pas quitté nos contrées en 1945 –, on le dit à nouveau bruyamment, maintenant que les  « grandes puissances », avec encore plus de cynisme, ont renouvelé leur guerre terroriste permanente. » (Bourlier)

« Ils sont nombreux, ceux qui avaient accepté que l'humanité soit organisée comme une machine à broyer les vies, et qui aujourd'hui s'insurgent, au moins verbalement, contre l'emballement de cette machine. » (Bourlier)

« L'initiative individuelle fut un puissant levain pour l'économie et le développement personnel au temps du capitalisme libéral. Mais elle revêt deux aspects : elle favorise uniquement des qualités choisies de l'homme, sa volonté et son efficacité, tout en le laissant en proie au Minotaure économique. C'était un principe qui fonctionnait mieux pendant la phase individuelle de la concurrence (...). Aujourd'hui, le commerce de détail, l'artisanat et la petite industrie se rétrécissent chaque jour comme la peau de chagrin. Seule une minorité peut encore faire preuve d'initiative. » (Fromm)

« Notre misère n'est pas censée exister socialement parce qu'elle est la défaite de notre existence sociale. Elle semble être un fardeau appartenant à l'intimité subjective, parce qu'elle est ce qui empêche le partage de la subjectivité. » (Bourlier)

« Elle nous rend malades, cette misère de tout le monde que nous avalons seuls tous les jours. Elle nous pourrit d'autant plus que nous ne l'avouons pas, d'autant plus que nous en faisons une tare individuelle, une honte personnelle. Nous nous torturons tant que nous ne la voyons pas pour ce qu'elle est : un désastre communément partagé, la ruine concrète des moyens de notre vie sociale. » (Bourlier)

mardi 23 septembre 2014

CARNET DE CITATIONS - De l’agir 3




"Rassemblant nos légions affligées, examinons comment nous pourrons dorénavant nuire à notre ennemi, comment nous pourrons réparer notre perte, surmonter cette affreuse calamité; quel renforcement nous pouvons tirer de l'espérance, si non quelle résolution du désespoir." (Milton)

« C'est certainement un des principes les plus importants et les efficaces de la stratégie que de mettre séance tenante à profit un succès de quelque manière qu'on l'ait conquis, autant que les circonstances le permettent, car tous les efforts que l'on fait pendant que l'adversaire est dans cette crise, sont d'une efficacité bien plus grande que dans la suite. » (Clausewitz)

« En se poussant vers son existence vraie, la conscience atteindra un point où elle se libérera de l'apparence, l'apparence d'être entachée de quelque chose d'étranger qui est seulement pour elle et comme un autre. » (Hegel)

« Ainsi, cette activité du savoir est la ruse qui, paraissant se retenir d'agir, voit comment la vie concrète de la déterminabilité, en cela même qu'elle croit s'occuper de sa conservation de soi et de son intérêt particulier, fait en vérité l'inverse, est elle-même l'opération de se dissoudre et de se faire un moment du tout. » (Hegel)

« ÊTRE HOMME DROIT
Il faut toujours être du coté de la raison, et si constamment que ni la passion vulgaire, ni aucune violence tyrannique ne fasse jamais abandonner son parti. Mais où trouvera-t-on ce phénix ?
Certes, l'équité n'a guère de partisans, beaucoup la louent, mais sans lui donner entrée chez eux. Il y en a d'autres qui la suivent jusqu'au danger, mais quand ils y sont, les uns, comme faux amis, la renient, et les autres, comme politiques, font semblant de ne la pas connaître.
Elle, au contraire, ne se soucie point de rompre avec les amis, avec les puissances, ni même avec son propre intérêt; et c'est là qu'est le danger de la méconnaitre.
Les gens rusés se tiennent neutres, et, par une métaphysique plausible, tâchent d'accorder la raison d’État avec leur conscience. Mais l'homme de bien prend ce ménagement pour une espèce de trahison, se piquant plus d'être constant que d'être habile. Il est toujours où est la vérité, et s'il laisse quelquefois les gens, ce n'est pas qu'il soit changeant, mais parce qu’ils ont été les premiers à abandonner la raison. » (Gracian)

 Hongrie 1956
« Lorsque la AVH (police politique ayant en charge la surveillance du bâtiment de la radio) tenta de disperser la foule en tirant quelques coups de feu, la révolution éclata. La marée humaine attaqua la police et se procura ainsi ses premières armes. La nouvelle s'en répandit auprès des ouvriers, dans les usines, qui abandonnèrent le travail et rejoignirent la foule. Les unités de police envoyées soutenir les policiers armés se rallièrent à la foule et partagèrent avec elle leurs propres armes. Ce qui avait commencé comme une manifestation d'étudiants s'était transformé en moins de 24 heures en insurrection armée. » (Arendt)

« Il parait qu'on demanda un jour à Whistler combien de temps il lui avait fallu pour peindre un de ses nocturnes et qu'il répondit : "Ma vie entière." Il aurait aussi bien pu répondre qu'il lui avait fallu tous les siècles qui avaient précédé le moment où il l'avait peint. » (Borges)

« Nous voulons nous reprendre, réintégrer cette âme, rendre à notre vie ses mots, sa valeur et son histoire. Nous voulons réhabiliter le geste et la parole, afin qu'ils ne soient plus les outils de notre assujettissement. Nous voulons régénérer la communauté humaine. » (Bourlier)

vendredi 19 septembre 2014

Walter Serner

      Ecrivain, Walter Serner (1889-1942), fut d'abord l'une des plus brillantes figures du mouvement Dada. "Il conçut son manifeste "Dernier Relâchement, manifeste dada" au sein du groupe dada de Zurich et le rédigea à Lugano au mois de mars 1918. Il s’agit du premier manifeste dadaïste répertorié. Son influence sur les dadaïstes de langue allemande ne s’est jamais démentie. Cet important document est resté inédit en langue française ; seuls deux courts extraits du manifeste ont été publiés en France. Les indéniables difficultés quant à sa transcription en français ne sauraient justifier plus longtemps cette regrettable lacune. L’extrême radicalité dans sa critique de l’art et la pertinence de l’analyse d’une société sous tutelle outrageusement bourgeoise font de ce manifeste un document de tout premier ordre dans l’histoire du mouvement dada."

" Marietta, douce Marietta : on s'en fait du cinéma !"

" Bien entendu, je ne cherche, à dire vrai, absolument pas à me cogiter (ergo sum)."

" C'est ici même que j'ai fait la connaissance de Germaine, qui me chuchotait entre autre chose : "C'est possible que je serais bonne, si je savais pourquoi." Je l'avoue sournoisement : j'ai littéralement pâli de plaisir."

"L'originalité de ses romans, publiés au début des années vingt et devenus des classiques de la littérature moderne, lui a valu le surnom de "Maupassant du crime" et de "Choderlos de Laclos des bas-fonds". Cette originalité ne vient pourtant pas seulement de ses personnages, petits arnaqueurs et demi-cocottes, mais des relations que ces héros dérisoires entretiennent avec leur monde et entre eux, bien étrangères à celles du roman classique."

 



 Le Onzième doigt

 "Vingt-cinq nouvelles histoires criminelles. À Paris, à Londres, à Vienne, à Naples, gigolos mondains et poules de semi-luxe, médecins marrons et nihilistes reconvertis cherchent par les moyens les plus tordus à escroquer leurs victimes, pas plus innocentes qu’eux."







La Tigresse

" Le seul roman de Serner. “Une singulière histoire d’amour” entre deux personnages qui ne croient pas en l’amour : Fec, un arnaqueur désabusé, et Bichette, la plus explosive des cocottes parisiennes."

 

 

 

 Au singe bleu

"Trente-trois histoires si singulières qu’on ne sait comment les qualifier : “criminelles”, “inquiétantes”, “déconcertantes”. Tout l’univers de Serner est déjà en place, rendu plus étrange encore par sa langue, à la syntaxe désaccordée qui utilise les divers argots européens."




jeudi 11 septembre 2014

De l'incertitude et de la manière d'y vivre




Nous ne disposions jusqu'à ce jour, en français, que de traductions mettant en lumière la part la plus "légère" de Lichtenberg, même si la subtilité de son regard s'imposait assez aisément.
 Grâce à ces nouvelles traductions, c'est une approche beaucoup plus « philosophique » que Jean-François Billeter nous fait apparaitre; en continuité et en parallèle, sans doutes, de ce qu'il nous a révélé précédemment avec ses remarquables traductions de Tchouang-tseu.
Qu'est ce qui peut donc rapprocher et faire le lien entre des pensées en apparence si lointaines ?
Certainement une certaine distance à l’immédiateté du monde, un recul conscient et choisi ayant pour but de ne pas se laisser déterminer par le fracas du temps présent ; ce que Lichtenberg formule justement, de cette manière remarquablement concise, « Efforce-toi de ne pas être de ton temps ».
N’y voyez toutefois nulle pose philosophique prônant l’indifférence  aux choses dans un égoïsme protecteur et tranquille : ce qui cherche à se préserver, c’est une liberté d’esprit effective qui ne se laisse pas dicter ce qui la constitue. Ce qui est présenté ici, plus précieux encore, des moyens d’y parvenir.
"Les passages que j'ai réunis ici contiennent en filigrane une sorte de Discours de la méthode qui montre non point, comme celui de Descartes, comment parvenir à la certitude, mais comment se maintenir dans l'incertitude, celle qui rend la pensée mobile, curieuse et féconde. "
Et Billeter précise encore :
"Lichtenberg représente parfaitement ce moment privilégié de l'histoire européenne où le mouvement des lumières parvient à maturité, quand la raison admet qu'elle n'est pas toute-puissante et se met à l'écoute de ce qui n'est pas elle. "
Nul mysticisme égaré, ici toutefois, chez celui qui fut « l’un des représentants les plus remarquables des Lumières en Allemagne et à sa façon l’un des plus profonds ».
Lichtenberg, comme son cousin lointain Tchouang-tseu, se pose au contraire au cœur de l’expérience et de sa nécessité.
Aussi,  « Lichtenberg proclame comme Descartes que l’exercice de la pensée appartient à chacun, mais montre beaucoup mieux que lui comment l’exercer. »
 Enfin, on tiendra compte de ce que Jean-François Billeter pose clairement dans sa note liminaire, expliquant les raisons de ses choix : " Je souhaitais le faire mieux connaître. Pour cela, j'ai pris le parti de rassembler les passages qui m'ont le plus intéressé et sur lesquels je n'ai cessé de revenir au fil des années. Lichtenberg disait lui-même que c'est ainsi qu'il faut lire les auteurs : en les résumant pour son propre compte (F 1222). C'est donc "un" Lichtenberg que je présente ici, le mien."
Tous ceux qui connaisse l'intelligence et la rigueur d'esprit de Billeter comprendront fort bien l’intérêt de ce regard particulier, s'adressant à notre réalité contemporaine.
http://www.youtube.com/watch?v=JeSH5ddboIA J-F. Billeter sur son Lichtenberg et sur ses "Trois Essais Sur la Traduction"

mercredi 3 septembre 2014

CARNET DE CITATION -Psychologie, comportement humain 8



        

« Peut-être le processus de mutation de l’espèce humaine en une sorte de chose ayant vitalement besoin de non-parole est-il plus avancé que les esprits les plus vigilants ne le soupçonnent ; peut-être quotidiennement côtoyons-nous déjà toute une catégorie d’objets, gardant provisoirement le nom d’hommes mais n’ayant de commun avec l’humanité que les formes extérieures irréductibles d’un tout petit nombre de comportements élémentaires ; peut-être le peuple des «atteints de propagande», plus inguérissables que les antiques populations massivement atteintes de la peste, se trouve-t-il déjà bien au-delà de toutes les thérapeutiques mentales connues. Les décervelés ont besoin de leur folie, les damnés de leur damnation. » (Robin)


« L'expérience du don oblige à penser ensemble spontanéité et liberté. Comment ? Le don est libre. (...) .Il affirme la liberté de l'acteur. C'est l'apport essentiel des théories de la décision, une décision étant par définition l'affirmation d'une liberté par rapport aux systèmes dont l'acteur fait partie, contrairement à ce que proposent les explications de la tradition. Sans le postulat de cette liberté, le terme "décision" n'a plus aucun sens. » (Godbout)

« S'il est vrai qu'une "idéologie agit en retour sur le processus économique", elle a dû se transformer auparavant en une puissance matérielle.
(...) Comme les hommes faisant partie des différentes couches ne sont pas seulement les objets de ces influences mais les reproduisent aussi comme individus actifs, leur pensée et leur action doivent être aussi contradictoires que la société d'où elles émanent. Comme une idéologie sociale modifie la structure psychique des hommes, elle ne s'est pas seulement reproduite dans ces hommes, mais -- ce qui est plus important -- elle a pris dans la forme de l'homme concrètement modifié et agissant d'une manière modifiée et contradictoire le caractère d'une force active, d'une puissance matérielle. C'est ainsi et seulement ainsi que s'explique l'effet en retour de l'idéologie d'une société sur la base économique dont elle est issue. » (Reich)

« Je m'imagine qu'il y a des moments où il n'est pas inutile de placer une certaine noble confiance en ses propres forces. Une assurance de ce genre vivifie tous nos efforts et leur imprime une impulsion qui est entièrement favorable à la recherche de la vérité. » (Kant)

« L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles. Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans sons sens; et, de ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous cotés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres. » (Kant)

« L'objet de l'analyse ne doit pas être la dynamique pulsionnelle isolée et atomisée à l'intérieur de l'individu, mais plutôt le processus de la vie dans sa totalité. » (Adorno)

« Œillet des Jansénistes.
Aux yeux de l'amant, l'être aimé apparaît toujours comme un solitaire. » (Benjamin)

« La seule chose qu'on doive savoir d'un être, c'est s'il féconde nos pensées. » (Musil)

« Que diriez-vous d'un manchot qui n'aurait pas de main droite et qui ne voudrait jamais se servir de sa main gauche parce que ses voisins se servent de l'autre ? » (Potocki)