dimanche 30 décembre 2018

Liens bibliographiques : Champ historique

On trouvera sur cette page, à la suite des introductions de chacune des périodes concernées, un lien à la bibliographie correspondante.
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U.R.S.S. : La révolution assassinée

 La révolution russe de 1917 fut aussi le moment d'une prodigieuse émergence créative dans les domaines de la littérature,du théâtre, de la poésie, des arts plastiques, de la musique.
Mais après la chape de plomb du régime tsariste (l'ancien Empire Russe), quelques années suffirent à la contre-révolution bureaucratique pour réduire cette vague de liberté à néant. Le parti bolchévique, qui avait pris le pouvoir au nom des Soviets (Conseils ouvriers concrétisant une forme de démocratie directe), n'aura rien de plus urgent que de dépouiller ceux-ci de toute substance, se révélant rapidement comme parti totalitaire. La prise de pouvoir personnelle de Staline ne fit que parachever cette contre-révolution mise en œuvre par Lénine et Trotski.
Les artistes novateurs, comme tous les révolutionnaires, furent condamnés au silence, au suicide, à la collaboration, à l'exil ou tout simplement assassinés.
On évalue le nombre de ceux qui sont morts dans les divers camps et goulags à 1,6 million.
Nombre de menteurs et de falsificateurs intéressés d’aujourd’hui cautionnent encore les mensonges de ce régime en continuant à prétendre qu'il ait pu être communiste ou marxiste; devenant ainsi les complices du plus gros mensonge du Vingtième siècle.
Réactionnaires de tous poils, fascistes, partis bourgeois-libéraux, partis sociaux-démocrates, partis dits "Communistes", eurent chacun leurs raisons de faire perdurer ce mensonge, étant tous des ennemis de la révolution du peuple prenant lui-même ses affaires en main.
La paralysie actuelle de l'histoire et de notre société dans son ensemble en est la conséquence directe.
Cette liste se présente donc en deux parties. La première rassemblant les principaux artistes et créateurs de cette époque, la seconde tentant de réunir les différents écrits théoriques et les nombreux témoignages mettant en lumière la vérité que beaucoup s'obstinent encore à dissimuler.

https://www.senscritique.com/liste/U_R_S_S_La_revolution_assassinee/73632

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Paris, la Commune

REGARDEZ LA COMMUNE DE PARIS, C’ÉTAIT LA DÉMOCRATIE !
La grande ville a le pavé chaud
Malgré vos douches de pétrole,
Et décidément, il nous faut
Vous secouer dans votre rôle... " Arthur Rimbaud - Chant de guerre parisien
"La Commune a été la plus grande fête du XIXème siècle. On y trouve, à la base, l’impression des insurgés d’être devenus les maîtres de leur propre histoire, non tant au niveau de la déclaration politique "gouvernementale" qu’au niveau de la vie quotidienne dans ce printemps de 1871 (voir le jeu de tous avec les armes ; ce qui veut dire : jouer avec le pouvoir). C’est aussi en ce sens qu’il faut comprendre Marx :"la plus grande mesure sociale de la Commune était sa propre existence en actes".
"Malgré tout ce tourment de tête et de compréhension d’affaires sociales auxquelles je n’étais pas habitué, je suis dans l’enchantement. Paris est un vrai paradis! Point de police, point de sottise, point d’exaction d’aucune façon, point de dispute. Paris va tout seul comme sur des roulettes. Il faudrait pouvoir rester toujours comme cela. En un mot, c’est un vrai ravissement. " Gustave Courbet le 30 avril 1871.
Ce fut, selon les mots de Marx "une révolution contre l’État lui-même, cet avorton surnaturel de la société, la reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale." (La guerre civile en France)
Et oui, il y a la Commune et puis il y a les Versaillais: deux visions, deux langages du monde inconciliables qui d'une certaine manière symbolisent le combat historique, celui qui resurgira à chaque fois que l'histoire réelle reprendra sa marche. Et cela malgré tous les efforts des tenants de la domination et de ses complices pour le dissimuler et pour faire oublier qu'ILS SONT les Versaillais sous les différents masques "démocratiques" qu'ils se donnent.



 https://www.senscritique.com/liste/Paris_la_Commune/298345

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Allemagne : l'entre-deux guerres 1918-1939

 "Cette course précipitée de la société bourgeoise vers un abîme de barbarie nécessite avant tout, bien sur, le développement universel de l'ignorance, donc l'organisation de l'oubli de toutes les leçons de l'histoire."
Jusqu'en 1933, l’Allemagne connut une effervescence culturelle tout à fait remarquable, aussi bien dans le domaine de la création théâtrale que dans ceux du cinéma, du roman et de la pensée politique. Cette période cruciale reste très méconnue en France.
Cette liste est aussi une tentative de mettre en lumière la part la plus occultée de cette époque, celle que les tenants du discours officiel contemporain, qu'il soit français ou allemand, préfèrent maintenir dans l'ombre par ce qu'elle implique : leur propre parenté avec les logiques totalitaires et ce qui les alimente : leur refus et leur haine de toute démocratie effective.
Tous ceux (et ils furent nombreux) qui tentèrent de poser les bases d'un autre devenir furent souvent réprimés, emprisonnés ou tout simplement assassinés et ce, bien avant l'arrivée des nazis.  On constatera  aisément aussi à quel point toute l'intense créativité de l'époque s'écroula subitement après 1933, laissant le nazisme face à son néant culturel et mortifère.
Repères historiques :
-Début  novembre 1918, Mutineries de Kiel et début de la révolution allemande
-9 novembre 1918 , destitution de l'empereur Guillaume II et fin de l'Empire allemand.
Une République de type parlementaire est proclamée  au palais du Reichstag à Berlin avec transfert des pouvoirs par l'ancien régime à Friedrich Ebert ( le dirigeant du MSPD, sociaux-démocrates ) alors que Karl Liebknecht représentant des Spartakistes avec Rosa Luxembourg proclame  la république socialiste.
-11 novembre 1918, signature de l'armistice et fin de la première guerre mondiale.
- 23 novembre 1918, rupture définitive entre les 2 gouvernements : Ebert pour conserver son pouvoir s'allie avec les représentants militaires les plus réactionnaires de l'ancien régime, confiant la répression aux Freikorps, groupes paramilitaires.
- 15 janvier 1919, Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg sont assassinés par les Freikorps sur ordre de Noske, ministre de la guerre et membre du SPD (Parti Socialiste).
Pour éviter les émeutes en cours à Berlin, l’Assemblée nationale constituante se réunit dans la ville de Weimar,(1918 à 1933, La République de Weimar).
- Mai 1919,  le Freikorps et des unités de l'armée régulière écrase dans le sang  la République des Conseils (Räterrépublik) de Bavière
-  13 mars 1920 , putsch de Kapp : des troupes de Freikorps occupent Berlin. Une grève générale, bloquant toute l'économie, oblige les Freikorps à se retirer le 17 mars.
-1921, Hitler créé  les SA ( Sturmabteilung ) à Munich dont un grand nombre sont issus des Freikorps
-  24 juin 1922, le ministre des Affaires étrangères Walter Rathenau est assassiné par un groupe d’extrême droite. Des centaines d'attentats perpétrés par l'extrême droite ensanglantent les premières années de la république de Weimar et déstabilisent le régime.
-8 novembre 1923, tentative de putsch par Adolf Hitler à Munich : malgré l'échec du putsch, le NSDAP (Parti nazi) fondé en 1920 ne cessera plus de se renforcer.
- La crise de 1929 provoque entre 1929 et 1932 une très forte hausse du chômage ( 14 millions de chômeurs à l'hiver 1932-1933 ) dans l'Allemagne qui restait fortement appauvrie par la guerre.
- 30 janvier 1933, Hitler devient chancelier du Reich et suspend la liberté d’opinion le 28 février 1933.
Très rapidement, dans le cadre de ce qu'Hitler désigne comme une « action contre l'esprit non allemand », des persécutions systématiques sont organisées contre un grand nombre d'écrivains, d'artistes et d'opposants. Des dizaines de milliers de livres sont brulés sur les places publiques par des membres du NSDAP dont un grand nombre de ceux que l'on retrouve dans cette liste. ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Autodaf%C3%A9s_de_1933_en_Allemagne#mediaviewer/File:Bundesarchiv_Bild_102-14597,_Berlin,_Opernplatz,_B%C3%BCcherverbrennung.jpg )
Le meilleur de la culture allemande n'a d'autre choix que l'exil. Voir : https://www.senscritique.com/liste/Passage_to_Marseille_1940_1942/960732
-  14 juillet 1933, le Parti nazi devient le seul parti légal.
Par le « Führerprinzip », Hitler n'est désormais plus responsable devant personne. Son "Reich de mille ans"  durera 12 années, causera 20 millions de morts et laissera l'Allemagne en ruine.


 https://www.senscritique.com/liste/Allemagne_l_entre_deux_guerres_1918_1939/271129

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 La guerre sociale en Espagne

La guerre d’Espagne, période charnière de l’histoire du XXème siècle, est aussi celle qui est la plus occultée dans ses contenus réels, la plus déformée, la plus trahie. Les raisons en sont nombreuses et demandent un certain décryptage des nombreuses complicités participant à l’entretien de ce déni.
S’il est assez facile de comprendre l’action des franquistes pendant la dictature fasciste, qui avaient tout intérêt à effacer les traces de leurs crimes innombrables et de leur barbarie répressive, l’attitude des « historiens » issus des différents partis du camp républicain mérite une analyse beaucoup plus approfondie.
Car ces partis, devenus institutionnels : sociaux-démocrates, libéraux, staliniens réformés, républicains et néo-divers sont ceux qui occupent encore le paysage de nos pseudo-démocraties. Leurs mensonges d’aujourd’hui ne sont pas très éloignés de ceux qu’ils déployèrent alors ; leurs motivations sont les mêmes, leurs bassesses similaires. Sur de nombreux points, le jeu de dupe continue.
Les faits sont là : ils préférèrent laisser la victoire au fascisme appuyé par l'église catholique, Mussolini et Hitler , plutôt que laisser la révolution se déployer et le peuple décider de son avenir par lui-même.
La guerre d’Espagne est un miroir historique où ils préfèrent donc ne pas se regarder. Préférant prolonger toujours cette véritable culture du déni qui les caractérise.
Pour tous ceux qui ne se sentent nullement représentés par ces gens là et qui ont gardé le gout du vrai et l’espoir d’un devenir autre, les ouvrages réunis ici  apporteront l’essentiel des éléments de compréhension.
De nombreux "intellectuels" de l'époque donnèrent aussi leur caution au mensonge, passant sous silence les crimes staliniens contre la révolution. 

Citons Malraux, Nizan, Aragon, Neruda, Hemingway (plus par jobardise dans son cas), AnnaSeghers, qui perdirent ainsi tout droit à se poser en porteurs de vérité. 
 https://www.senscritique.com/liste/La_guerre_sociale_en_Espagne/67465

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 Belle époque ... (1872-1914)

 " On dit que l'expérience instruit les imbéciles; mais les Français ne sont pas des imbéciles, car l'expérience ne les instruit pas." Georges Darien
Dommage quand l'on y pense car l'époque fut particulièrement instructive à y regarder de près. Et il ne fallut rien de moins que l'infâme tuerie de 14-18 pour faire taire tout cela et remettre "au pas" tous ces insoumis et contestataires obstinés qui ne voulaient plus s'en laisser conter.
Finalement la Commune n'était pas morte en 1871 et les Versaillais durent donc trouver autre chose.
Les Versaillais ? Ben oui, ceux qui nous dirigent toujours aujourd'hui - ceux qui viennent de fêter l’anniversaire de la "Grande guerre" et font matraquer la "populace" tout en criant au loup.
"Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens."
Bah, cornegidouille, qu'ils aillent chercher leur brioche sur le trottoir d'en face tous ces feignants !
"Mais enfin, Père Ubu, ne voyez-vous pas que le peuple attend le don de joyeux avènements ?"


 https://www.senscritique.com/liste/Belle_epoque_1872_1914/91248

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 Passage to Marseille 1940-1942
 Quelqu'un en cette époque fit la remarque qu'il n'y avait alors que deux sorties en Europe : Auschwitz et Marseille.
C'est à cette seconde sortie, où aboutirent un très grand nombre de réfugiés de toutes provenances, que nous nous intéresserons ici; sortie qui se ferma le 12 novembre 1942 ou du moins se rétrécit fortement,  avec l'entrée des troupes allemandes.
Au cœur des circonstances, le sinistre article 19 de la convention d'armistice entre la France et l'Allemagne que signa le gouvernement pétainiste : " Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants désignés par le gouvernement du Reich. ". Ce qui signifiait la mort quasi certaine pour tous les opposants européens au nazisme qui seraient effectivement "livrés".
Sur l'image, les devantures des Cafés "Au bruleur de loups" et du "Basso" qui servirent de lieu de rendez-vous à nombre des auteurs présents.
La liste s'articule autour d'un certain nombre de lieux et de personnages qui jouèrent alors un rôle clé: Varian Fry et les locaux de l'Emergency Rescue Committee - Sylvain Itkine et la Coopérative du Fruit Mordoré - La Villa Air Bel - Les cafés du Vieux port, indispensables lieux de rendez-vous et de rencontre.
Aussi, ce Tarot de Marseille des surréalistes qui, mystérieusement, distribue les cartes.

 https://www.senscritique.com/liste/Passage_to_Marseille_1940_1942/960732
 


mercredi 21 novembre 2018

CARNET DE CITATIONS : HISTOIRE/HISTORIOSOPHIE 20



« L'observation du temps présent nous enseigne comment chaque fait peut être tour à tour différemment appréhendé, raconté, contextualisé - suivant la diversité des points de vue; elle nous enseigne comment chaque action, dans la vie privée non moins que dans la vie publique, fait l'objet d'interprétations les plus contradictoires. (...) Et s'il en est ainsi du contenu "objectif" de l'histoire qu'advient-il alors de la vérité historique ? L'idée de vérité se conçoit-elle sans celle de véracité (Richtigkeit). » (Droysen)

« Notre affliction et notre douloureuse désillusion provoquées par le comportement non civilisé de nos concitoyens du monde durant cette guerre étaient injustifiées. Elle reposait sur une illusion à laquelle nous nous étions laissés prendre. En réalité, ils ne sont pas tombés aussi bas que nous le redoutions, parce qu'ils ne s'étaient absolument pas élevés aussi haut que nous l'avions pensé. » (Freud)

« Partout où les mouvements sociaux et intellectuels contre la guerre et les brutales restrictions du capitalisme en crise menaçaient de franchir un seuil critique et de briser la pseudo-loi naturelle de la subordination de toutes les ressources sociales au principe irrationnel de la valorisation, les appareils démocratiques laissèrent apparaître l'hideuse face violente de l'état d'exception.
(...) Le construit de la "souveraineté du peuple" s'avéra dans la pratique une contre-vérité et le travestissement idéologique d'un principe de réalité profondément répressif sous les impératifs duquel l'individu-citoyen n'est molécule de souveraineté que dans la mesure où il se livre inconditionnellement, sur le plan socio-économique, aux formes évolutives de la fin en soi irrationnelle du capitalisme et, en ce sens, s'opprime lui-même. » (Kurz)

« Ce ne sont pas les choses passées qui reprennent de l'éclat -elles ne sont plus-, mais ce qui, ici et maintenant, n'en est pas encore révolu. Ces lueurs qu'on ravive nous tiennent lieu des choses passées; elles en sont comme la présence spirituelle. » (Droysen)

« L'essence de l'interprétation, c'est de voir dans les événements passés des réalités selon toute la plénitude des conditions qu'exigeaient leur réalisation et leur existence. » (Droysen)

« Ce qui a été établi par la recherche sera présenté avec d'autant plus d'exactitude que l'on sera conscient de ce que l'on sait ainsi de ce que l'on ignore. » (Droysen)

« Ce n'est qu'en apparence que les "faits" ici - et eux seuls, exclusivement, "objectivement" - parlent d'eux-mêmes. Ils seraient muets sans le narrateur qui les fait parler.
Ce n'est pas "l'objectivité" qui est la plus grande gloire de l'historien. Sa manière à lui de faire justice, c'est de chercher à comprendre. » (Droysen)

« Le passé devient ou redevient présent en fonction de la réalisation des possibles enveloppés objectivement dans le passé. Il se dévoile et s’actualise avec eux. » (Lefebvre)

« Mais elle, la contradiction, est la racine de tout mouvement et de toute manifestation vitale; c'est seulement dans la mesure où elle renferme une contradiction qu'une chose est capable de mouvement, d'activité, de manifester des tendances ou impulsions. » (Hegel)

« Ce que nous considérons aujourd'hui comme la "civilisation chinoise" est intimement lié au despotisme impérial. Je pense qu'elle a été conçue pour empêcher l'émergence de la personne, au sens que je viens de donner à ce mot. » (Billeter)

jeudi 1 novembre 2018

Carnet de citations - Poésie 6

                                                                                               Toyen (1937)


« Mon cœur ne sait plus distinguer entre l'appât et le piège;
Un avis me pousse vers la mosquée, l'autre vers la coupe;
Pourtant, le vin, l'aimée et moi
Nous sommes mieux cuits dans une taverne que crus dans un monastère. » (Khayyam)

« Médecin solitaire
dans cette maison de fous
j'ai chanté mes chants médecines. » (Khlebnikov)

« Indolentes, d'humeur matinale, des vaguelettes humectaient le sable à ses pieds. Il écoutait la mer, le très ancien récit de la mer, chaque vague sa voix unique, infiniment juste, celle-là précisément qu'il espérait, qu'il avait besoin d'espérer. » (Malaquais)

« De vos largesses importunes,
Marchands, je me ris !
Car en une nuit, rien qu'une,
Des châteaux je me construis.

Mes palais sont bottes de paille - mais basta !
Mon chemin ne passe pas - par chez toi. »
(Marina Tsvétaïva)

« Mes vieux amis partagent mes goûts
Ils viennent ici une jarre à la main.
Assis par terre sous un pin,
Quelques rasades et nous voilà ivres. » (Tao Yuanming)

« Le monde est au mieux un jeu d'enfant,
Comme un rêve, à l'envers.
Ce n'est que dans le vin que l'homme devient lui-même.
Et son esprit une grotte vide de doute. » (Su Dongpo)

« Le bandeau de l'époque sur les yeux, nous ne savons dessiner que les carcasses de maisons.
Au fond de l'aube, les racines du cœur.

L'épuisement
Le silence
La légèreté

La lumière emmêlée
La cellophane du matin s'enroule sur elle-même
Les bribes des mots se rétractent dans les touffes d'herbe
Le sentier conduit vers l'enfance des ombres. » (A. Le Brun)

« Ils débarquèrent sur des plages tièdes peuplées de lucioles - paillettes bon marché de la nuit cosmique… » (Lascano Tegui)

« La pierre est un journal impressionniste du temps, avec ses notes thésaurisées par des millions d'intempéries. » (Mandelstam)

« Qu’il vienne, qu’il vienne
Le temps dont on s’éprenne. » (Rimbaud)

mercredi 17 octobre 2018

"Tout est faux dans la question des immigrés" Guy Debord

C'est en 1985 que Guy Debord rédigea ce texte d'une remarquable lucidité et qui passa alors presque inaperçu. L'aggravation de tout ce qui y est décrit ne devrait désormais plus échapper à personne.


Guy Debord : « Tout est faux dans la question des immigrés »

Tout est faux dans la “question des immigrés”, exactement comme dans toute question ouvertement posée dans la société actuelle ; et pour les mêmes motifs : l’économie – c’est-à-dire l’illusion pseudo-économique – l’a apportée, et le spectacle l’a traitée.
On ne discute que de sottises. Faut-il garder ou éliminer les immigrés ? Naturellement, le véritable immigré n’est pas l’habitant permanent d’origine étrangère, mais celui qui est perçu et se perçoit comme différent et destiné à le rester. Beaucoup d’immigrés ou leurs enfants ont la nationalité française ; beaucoup de Polonais ou d’Espagnols se sont finalement perdus dans la masse d’une population française qui était autre. Comme les déchets de l’industrie atomique ou le pétrole dans l’Océan – et là on définit moins vite et moins “scientifiquement” les seuils d’intolérance – les immigrés, produits de la même gestion du capitalisme moderne, resteront pour des siècles, des millénaires, toujours. Ils resteront parce qu’il était beaucoup plus facile d’éliminer les Juifs d’Allemagne au temps d’Hitler que les maghrébins, et autres, d’ici à présent : car il n’existe en France ni un parti nazi ni le mythe d’une race autochtone !
Faut-il donc les assimiler ou “respecter les diversités culturelles” ? Inepte faux choix. Nous ne pouvons plus assimiler personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (Corses, Bretons, etc.) car Paris, ville détruite, a perdu son rôle historique qui était de faire des Français. Qu’est-ce qu’un centralisme sans capitale ? Le camp de concentration n’a créé aucun Allemand parmi les européens déportés. La diffusion du spectacle concentré ne peut uniformiser que des spectateurs. On se gargarise, en langage simplement publicitaire, de la riche expression de “diversités culturelles”. Quelles cultures ? Il n’y en a plus. Ni chrétienne ni musulmane ; ni socialiste ni scientiste. Ne parlez pas des absents. Il n’y a plus, à regarder un seul instant la vérité et l’évidence, que la dégradation spectaculaire-mondiale (américaine) de toute culture.
Ce n’est surtout pas en votant que l’on s’assimile. Démonstration historique que le vote n’est rien, même pour les Français, qui sont électeurs et ne sont plus rien (1 parti = 1 autre parti ; un engagement électoral = son contraire ; et plus récemment un programme – dont tous savent bien qu’il ne sera pas tenu – a d’ailleurs enfin cessé d’être décevant, depuis qu’il n’envisage jamais plus aucun problème important. Qui a voté sur la disparition du pain ?). On avouait récemment ce chiffre révélateur (et sans doute manipulé en baisse) : 25 % des “citoyens” de la tranche d’âge 18-25 ans ne sont pas inscrits sur les listes électorales, par simple dégoût. Les abstentionnistes sont d’autres, qui s’y ajoutent.
Certains mettent en avant le critère de “parler français”. Risible. Les Français actuels le parlent-ils ? Est-ce du français que parlent les analphabètes d’aujourd’hui, ou Fabius (« Bonjour les dégâts ! ») ou Françoise Castro (« Ça t’habite ou ça t’effleure ? »), ou B.-H. Lévy ? Ne va-t-on pas clairement, même s’il n’y avait aucun immigré, vers la perte de tout langage articulé et de tout raisonnement ? Quelles chansons écoute la jeunesse présente ? Quelles sectes infiniment plus ridicules que l’islam ou le catholicisme ont conquis facilement une emprise sur une certaine fraction des idiots instruits contemporains (Moon, etc.) ? Sans faire mention des autistes ou débiles profonds que de telles sectes ne recrutent pas parce qu’il n’y a pas d’intérêt économique dans l’exploitation de ce bétail : on le laisse donc en charge aux pouvoirs publics.
Nous nous sommes faits américains. Il est normal que nous trouvions ici tous les misérables problèmes des USA, de la drogue à la mafia, du fast-food à la prolifération des ethnies. Par exemple, l’Italie et l’Espagne, américanisées en surface et même à une assez grande profondeur, ne sont pas mélangées ethniquement. En ce sens, elles restent plus largement européennes (comme l’Algérie est nord-africaine). 


Nous avons ici les ennuis de l’Amérique sans en avoir la force. Il n’est pas sûr que le melting-pot américain fonctionne encore longtemps (par exemple avec les Chicanos qui ont une autre langue). Mais il est tout à fait sûr qu’il ne peut pas un moment fonctionner ici. Parce que c’est aux USA qu’est le centre de la fabrication du mode de vie actuel, le cœur du spectacle qui étend ses pulsations jusqu’à Moscou ou à Pékin ; et qui en tout cas ne peut laisser aucune indépendance à ses sous-traitants locaux (la compréhension de ceci montre malheureusement un assujettissement beaucoup moins superficiel que celui que voudraient détruire ou modérer les critiques habituels de “l’impérialisme”). Ici, nous ne sommes plus rien : des colonisés qui n’ont pas su se révolter, les béni-oui-oui de l’aliénation spectaculaire. Quelle prétention, envisageant la proliférante présence des immigrés de toutes couleurs, retrouvons-nous tout à coup en France, comme si l’on nous volait quelque chose qui serait encore à nous ? Et quoi donc ? Que croyons-nous, ou plutôt que faisons-nous encore semblant de croire ? C’est une fierté pour leurs rares jours de fête, quand les purs esclaves s’indignent que des métèques menacent leur indépendance !
Le risque d’apartheid ? Il est bien réel. II est plus qu’un risque, il est une fatalité déjà là (avec sa logique des ghettos, des affrontements raciaux, et un jour des bains de sang). Une société qui se décompose entièrement est évidemment moins apte à accueillir sans trop de heurts une grande quantité d’immigrés que pouvait l’être une société cohérente et relativement heureuse. On a déjà fait observer en 1973 cette frappante adéquation entre l’évolution de la technique et l’évolution des mentalités : « L’environnement, qui est reconstruit toujours plus hâtivement pour le contrôle répressif et le profit, en même temps devient plus fragile et incite davantage au vandalisme. Le capitalisme à son stade spectaculaire rebâtit tout en toc et produit des incendiaires. Ainsi son décor devient partout inflammable comme un collège de France. » Avec la présence des immigrés (qui a déjà servi à certains syndicalistes susceptibles de dénoncer comme “guerres de religions” certaines grèves ouvrières qu’ils n’avaient pu contrôler), on peut être assurés que les pouvoirs existants vont favoriser le développement en grandeur réelle des petites expériences d’affrontements que nous avons vu mises en scène à travers des “terroristes” réels ou faux, ou des supporters d’équipes de football rivales (pas seulement des supporters anglais).
Mais on comprend bien pourquoi tous les responsables politiques (y compris les leaders du Front national) s’emploient à minimiser la gravité du “problème immigré”. Tout ce qu’ils veulent tous conserver leur interdit de regarder un seul problème en face, et dans son véritable contexte. Les uns feignent de croire que ce n’est qu’une affaire de “bonne volonté antiraciste” à imposer, et les autres qu’il s’agit de faire reconnaître les droits modérés d’une “juste xénophobie”. Et tous collaborent pour considérer cette question comme si elle était la plus brûlante, presque la seule, parmi tous les effrayants problèmes qu’une société ne surmontera pas. Le ghetto du nouvel apartheid spectaculaire (pas la version locale, folklorique, d’Afrique du Sud), il est déjà là, dans la France actuelle : l’immense majorité de la population y est enfermée et abrutie ; et tout se serait passé de même s’il n’y avait pas eu un seul immigré. Qui a décidé de construire Sarcelles et les Minguettes, de détruire Paris ou Lyon ? On ne peut certes pas dire qu’aucun immigré n’a participé à cet infâme travail. Mais ils n’ont fait qu’exécuter strictement les ordres qu’on leur donnait : c’est le malheur habituel du salariat.
Combien y a-t-il d’étrangers de fait en France ? (Et pas seulement par le statut juridique, la couleur, le faciès.) Il est évident qu’il y en a tellement qu’il faudrait plutôt se demander : combien reste-t-il de Français et où sont-ils ? (Et qu’est-ce qui caractérise maintenant un Français ?) Comment resterait-il, bientôt, de Français ? On sait que la natalité baisse. N’est-ce pas normal ? Les Français ne peuvent plus supporter leurs enfants. Ils les envoient à l’école dès trois ans, et au moins jusqu’à seize, pour apprendre l’analphabétisme. Et avant qu’ils aient trois ans, de plus en plus nombreux sont ceux qui les trouvent “insupportables” et les frappent plus ou moins violemment. Les enfants sont encore aimés en Espagne, en Italie, en Algérie, chez les Gitans. Pas souvent en France à présent. Ni le logement ni la ville ne sont plus faits pour les enfants (d’où la cynique publicité des urbanistes gouvernementaux sur le thème « ouvrir la ville aux enfants »). D’autre part, la contraception est répandue, l’avortement est libre. Presque tous les enfants, aujourd’hui, en France, ont été voulus. Mais non librement ! L’électeur-consommateur ne sait pas ce qu’il veut. Il “choisit” quelque chose qu’il n’aime pas. Sa structure mentale n’a plus cette cohérence de se souvenir qu’il a voulu quelque chose, quand il se retrouve déçu par l’expérience de cette chose même.
Dans le spectacle, une société de classes a voulu, très systématiquement, éliminer l’histoire. Et maintenant on prétend regretter ce seul résultat particulier de la présence de tant d’immigrés, parce que la France “disparaît” ainsi ? Comique. Elle disparaît pour bien d’autres causes et, plus ou moins rapidement, sur presque tous les terrains.
Les immigrés ont le plus beau droit pour vivre en France. Ils sont les représentants de la dépossession ; et la dépossession est chez elle en France, tant elle y est majoritaire. et presque universelle. Les immigrés ont perdu leur culture et leurs pays, très notoirement, sans pouvoir en trouver d’autres. Et les Français sont dans le même cas, et à peine plus secrètement.
Avec l’égalisation de toute la planète dans la misère d’un environnement nouveau et d’une intelligence purement mensongère de tout, les Français qui ont accepté cela sans beaucoup de révolte (sauf en 1968) sont malvenus à dire qu’ils ne se sentent plus chez eux à cause des immigrés ! Ils ont tout lieu de ne plus se sentir chez eux, c’est très vrai. C’est parce qu’il n’y a plus personne d’autre, dans cet horrible nouveau monde de l’aliénation, que des immigrés.
Il vivra des gens sur la surface de la Terre, et ici même, quand la France aura disparu. Le mélange ethnique qui dominera est imprévisible, comme leurs cultures, leurs langues mêmes. On peut affirmer que la question centrale, profondément qualitative, sera celle-ci : ces peuples futurs auront-ils dominé, par une pratique émancipée, la technique présente, qui est globalement celle du simulacre et de la dépossession ? Ou, au contraire, seront-ils dominés par elle d’une manière encore plus hiérarchique et esclavagiste qu’aujourd’hui ? Il faut envisager le pire, et combattre pour le meilleur. La France est assurément regrettable. Mais les regrets sont vains.