dimanche 6 octobre 2019

CARNET DE CITATIONS Société 29



« La vie a tous les aspects d'un complot qu'il est donné à peu de rendre décisif. Nous n'avons rien à perdre mais tout à égarer. » (Le Brun)

« Parce que ce que nous appelons puissance est en rapport avec les vécus humains, avec les relations que hommes et femmes en mouvement établissent entre eux et avec les autres.
(…)La dynamique interne des luttes sociales tisse des relations sociales parmi les opprimés, qui leur permettent en première instance d'assurer la survie, autant matérielle que spirituelle. Avec le temps et le déclin du système dominant, sur la base de ces relations, croit un monde nouveau, c'est à dire différent au monde hégémonique. A tel point que, à un moment, la société présente la forme d'un océan de relations sociales "nouvelles" et quelques îles de relations sociales "vieilles", qui sont fondamentalement les relations étatiques. » (Zibechi)

« La civilisation marchande n’est plus que le cliquetis d’une machine qui broie le monde pour le déchiqueter en profits boursiers. » (Vaneigem)

« Au total, le choix est assez simple, du moins à énoncer : la croissance ou le climat. Mais la croissance n’est elle-même que l’expression d’un impératif constitutif du capitalisme ; et tant que celui-ci continuera de prévaloir, la catastrophe climatique et biosphérique ne pourra que s’approfondir. » (Baschet)

« Il existe un antagonisme fondamental entre une économie mécanique, centrée sur la puissance, et l’économie plus ancienne, centrée sur la vie… Une économie centrée sur la vie respecte les limites organiques, elle ne cherche pas à s’adjuger la plus grande quantité possible d’un bien. » (Mumford)

« Seuls ceux qui ont réussi à se débarrasser de leurs qualités les plus humaines sont donc candidats aux fonctions suprêmes de la société post-historique : celles des planificateurs et des administrateurs.
La sympathie et l'empathie, la capacité de se mettre par l'imagination et l'amour, à l'unisson de la vie des autres hommes, n'ont pas de place dans la culture post-historique, qui exige que tous les hommes soient traités comme des choses. Humainement parlant, l'homme post-historique est un infirme, sinon un délinquant actif, et finalement un monstre potentiel. » (Mumford – 1956)

« Tout cela a évidemment contribué à établir les structures définitoires du capitalisme : à savoir un moteur de production infinie qui ne peut maintenir son équilibre que par une croissance continue. Des cycles infinis de destruction semblent alors constituer nécessairement l'autre face de ce processus. Pour ouvrir la voie à de nouveaux produits, il faut se débarrasser de ces rebuts; les détruire ou au moins les écarter comme démodés ou dénués d'intérêt. Et c'est bien cela la structure qui permet de définir la société de consommation : une société qui écarte toute valeur durable au nom du cycle sans fin de l'éphémère. » (Graeber)

« Les forces qui mènent la société à une vaste destruction, à la destruction de la planète, prennent racine dans une économie de marché placée sous le signe de la "croissance ou la mort", dans un système de production qui doit croître pour rester compétitif... Aucune libération ne sera complète, aucune tentative d'harmonie entre les êtres humains et entre l’humanité et la nature ne pourra réussir tant qu’on n’aura pas éradiqué les hiérarchies comme les classes, la domination comme l’exploitation. » (Bookchin)

« Au lieu de nationaliser et de collectiviser la terre, les usines, les ateliers et les centres de distribution, une communauté écologique municipaliserait son économie pour intégrer ses ressources dans un système confédéral régional. La terre, les usines, les ateliers seraient contrôlés par des assemblées populaires de communautés libre, et non par l’État-nation ou par des producteurs-travailleurs qui pourraient fort bien acquérir une mentalité de propriétaires. » (Bookchin)

« Nous sommes en train de vivre l’effondrement du capitalisme. C’est la position la plus optimiste que l’on puisse embrasser. Il ne faut pas craindre l’effondrement. Il faut l’accepter. Ce n’est pas l’effondrement des gens et des bâtiments, mais des relations de pouvoir qui ont transformé les humains et le reste de la nature en objets mis au travail gratuitement pour le capitalisme. » (J. Moore)

CARNET DE CITATIONS Société 28



« Si l'on chante dorénavant les louanges d'une démocratie hier encore abhorrée, c'est bien sûr à la stricte condition implicite de ne célébrer sous ce nom que ce que certains qualifient aujourd'hui de "post-démocratie", un résidu vide, une forme sans substance. » (Chamayou)

« Les générations qui sont nées après 1973, celles qui ont grandi à l'ère de "la crise" perpétuelle, ont intériorisé, l'une après l'autre, l'idée que chacune vivrait globalement moins bien que la précédente. Elles ont réappris à avoir peur. Un retournement historique qui pourrait aussi se lire comme une sorte de psycho-thérapie de groupe, une rééducation de masse à la "tolérance à la frustration". » (Chamayou)

« Il n'y a d'opposant légitime, aux yeux du pouvoir, que celui qui est inapte à le menacer. Voilà le secret de la "légitimité" vue par les maîtres : ne sont reconnus comme légitimes que ceux qui ont renoncé à leur force. » (Chamayou )

« Si l'on veut saisir le véritable sens de la "crise écologique" contemporaine, il faut la replacer dans cette histoire-là, celle d'un système économique dont l'expansion a eu l'appropriation destructrice de la nature pour condition consubstantielle, et la resituer dans la continuité de la prédation coloniale et de l'accumulation primitive du capital. » (Chamayou)

« Quelques amis, estimant que la situation n'a guère changé depuis le moment où j'écrivais ces choses, ont pensé qu'il valait la peine de les conserver en un recueil. Cela me navre. Je pense en effet que les polémiques menées contre les vices d'une époque disparaissent en même temps que leurs cibles. Il en va de ces écrits comme des globules blancs du sang qui viennent former une croute sur la plaie : tant qu'ils ne s'éliminent pas d'eux-mêmes, c'est signe que l'infection demeure active. »
(Lu Xun)

« Il a fallu du temps, beaucoup de temps, pour que le pays pût croire à des projets d’abord hypocritement voilés, désavoués en paroles et activement poursuivis dans l’ombre, à la coupable résolution de transformer, sous des apparences mensongères de garanties constitutionnelles, un gouvernement libre en un gouvernement absolu, de ravir à la société ses conquêtes, de la faire reculer d’un demi-siècle et plus. » (Lamennais)

« La différence entre le détenu et le citoyen libre est moins une différence de statut qu'une différence de degré. Le camp représente d'une certaine façon une épure, une projection du futur, une société idéale - ce que serait la société si les dirigeants pouvaient surmonter le poids des choses, la loi du nombre, les milles forces de freinage, de résistance et d'inertie qui partout conspirent pour entraver l'application immédiate à l'échelle du pays entier de cette certaine vision de l'esprit qui, dans les camps, trouvent déjà à s'incarner sans obstacle. » (Leys)

« Chaque fois, c'est le même tour de passe-passe : à travers la défense d’un ordre transcendant fondé sur le caractère prétendument universel des articulations signifiantes de certains énoncés —le cogito, les mathématiques, le “discours de la science”— on cherche à cautionner un certain type de stratification de pouvoirs qui garantit à ses scribes leur statut, leur confort matériel et leur sécurité imaginaire. » (Guattari)

«  Pauvre, joyeux et indépendant ! - tout cela est possible simultanément ; pauvre, joyeux et esclave ! - c'est aussi possible - et je ne saurais rien dire de mieux aux ouvriers esclaves de l'usine : à supposer qu'ils ne ressentent pas en général comme une honte d'être utilisés, comme c'est le cas, en tant que rouages d'une machine et, pour ainsi dire, comme un bouche-trou pour les lacunes de l'esprit humain d'invention ! Fi ! Croire que l'on pourrait remédier par un salaire plus élevé à l'essentiel de leur détresse, je veux dire de leur asservissement impersonnel ! Fi ! Se laisser persuader que grâce à un accroissement de cette impersonnalité, à l'intérieur de la machinerie d'une société nouvelle, la honte de l'esclavage pourrait devenir vertu ! Fi ! Avoir un prix auquel on cesse d'être une personne pour devenir un rouage ! Êtes-vous complices de la folie actuelle des nations qui ne pensent qu'à produire le plus possible et à s'enrichir le plus possible ? Votre tâche serait de leur présenter l'addition négative : quelles énormes sommes de valeur intérieure sont gaspillées pour une fin aussi extérieure. Mais qu'est devenue votre valeur intérieure si vous ne savez même plus ce que c'est que respirer librement ? Si vous n'avez même pas un minimum de maîtrise de vous-même ? » (Nietzsche)

dimanche 21 juillet 2019

CARNET DE CITATIONS - De l’agir 6



«On s'est demandé : "La vie privée est privée de quoi ?" Tout simplement de la vie, qui en est cruellement absente. Les gens sont aussi privés qu'il en est possible de communication ; et de réalisation d'eux-mêmes. Il faudrait dire : de faire leur propre histoire, personnellement. Les hypothèses pour répondre positivement à cette question sur la nature de la privation ne pourront donc s'énoncer que sous forme de projets d'enrichissements ; projets d'un autre style de vie ; en fait d'un style... Ou bien, si l'on considère que la vie quotidienne est à la frontière du secteur dominé et du secteur non dominé de la vie, donc le lieu de l'aléatoire, il faudrait parvenir à substituer au présent ghetto une frontière toujours en marche ; travailler en permanence à l'organisation de chances nouvelles. » (Debord) 

« Le but essentiel de cet ouvrage est de démontrer qu'il existe un principe fondamental de toutes les opérations de la guerre, principe qui doit présider à toutes les combinaisons pour qu'elles soient bonnes. Il consiste:
1° A porter, par des combinaisons stratégiques, le gros des forces d'une armée, successivement sur les points décisifs d'un théâtre de guerre, et autant que possible sur les communications de l'ennemi sans compromettre les siennes.
2° A manœuvrer de manière à engager ce gros des forces contre des fractions seulement de l'armée ennemie.
3° Au jour de la bataille, à diriger également, par des manœuvres tactiques, le gros de ses forces sur le point décisif du champ de bataille, ou sur la partie de la ligne ennemie qu'il importerait d'accabler.
4° A faire en sorte que ces masses ne soient pas seulement présentes sur le point décisif, mais qu'elles y soient mises en action avec énergie et ensemble, de manière à produire un effort simultané. » (Jomini)

« Appliquée à une simple opération passagère, c'est-à-dire considérée comme initiative des mouvements, l'offensive est presque toujours avantageuse, surtout en stratégie. » (Jomini)

« Quant au parti de rester neutre, je ne crois pas qu'il ait jamais servi personne, quand celui qui le prend est moins fort que les combattants et qu'il se trouve placé au milieu; car vous saurez d'abord qu'il est indispensable à un prince de se conduire à l'égard de ses sujets, de ses alliés et de ses voisins, de manière à n'en être ni haï ni méprisé; et s'il doit choisir à tout prix : qu'il se moque de la haine mais qu'il évite le mépris. » (Machiavel)

« Si les points forts et les points faibles d'une armée ou d'un système de défense sont analysés en termes de "plein" et de "vide", ces deux critères peuvent aussi entrer dans un processus complexe de leurre, visant à faire perdre à l'adversaire la juste appréciation de la force qui lui est opposée. » (Anonyme)

« Tout incident de voyage est instructif pour qui est apte à saisir la portée morale des événements, en sorte que c'est moins le Maître qui parle que le chemin lui-même qui prodigue des leçons. (...) Tchouang-Tseu, tout en se livrant à la subversion parodique de l'enseignement lettré, se situe donc dans son droit-fil. » (Jean Lévi)

« Il n'y a d'opposant légitime, aux yeux du pouvoir, que celui qui est inapte à le menacer. Voilà le secret de la "légitimité" vue par les maîtres : ne sont reconnus comme légitimes que ceux qui ont renoncé à leur force. » (Chamayou)

« L'expérience prouve abondamment qu'aucun grand dessein ne peut être envisagé, quand bien même les partisans seraient fidèles et peu nombreux, sans que par des détours mystérieux et inexplicables un pressentiment ou une sombre appréhension s'éveille chez ceux-là mêmes qu'il faut tenir dans l'ignorance. » (De Quincey)

« On s’efforce de se convaincre que les «années folles de notre jeunesse » étaient une rébellion sans contenu ; on s’adapte ; la pression du milieu est trop grande et la révolte paraît trop exigeante. Les désirs indomptables, la joie de la révolte font place à la logique de gains et de pertes, de résultats et de rapports de force réalistes, de calculs. On oublie que la joie est dans l’agir même. » (Libertad)

dimanche 14 juillet 2019

CARNET DE CITATIONS : HISTOIRE/HISTORIOSOPHIE 21

« Les mains et l'âme me démangeait de prendre une part active à la révolte de Kronstadt : ce n'était pas un vulgaire petit complot de la garde blanche; c'était une vraie révolution, et non pas une révolution bolchévique abrutie par le pouvoir; et elle avait été déclenchée par les mêmes qui, en leur temps, avaient fait celle d'Octobre : les marins de la Baltique. (...) Je comprenais déjà, bien sûr, que la révolution était à Kronstadt, et la contre-révolution à Smolny, et non le contraire. 
Nous savons qu'en réalité la révolte de Kronstadt était non seulement révolutionnaire à l'égard du pouvoir soviétique, mais, par son idéologie, beaucoup plus à gauche et plus honnête que lui. C'est pourquoi d'ailleurs le pouvoir soviétique en a eu si peur et l'a réprimée de manière si sanglante !
De ce fait, le pouvoir soviétique est devenu non seulement conservateur, mais par-dessus le marché contre-révolutionnaire. Aucun État du monde, par son essence même, ne peut-être révolutionnaire.» (Markon)

« Le sentiment de la contradiction entre la nature et la vie existante correspond au besoin de voir cette contradiction levée; et cela se produit, lorsque la vie existante a perdu son pouvoir et sa validité, lorsqu'elle est devenue un pur négatif. » (Hegel)

« Toutefois les révolutions ne sont pas nécessairement un progrès, de même que les évolutions ne sont pas toujours orientées vers la justice. Tout change, tout se meut dans la nature d'un mouvement éternel, mais s'il n'y a pas progrès il peut y avoir aussi recul, et si des évolutions tendent vers un accroissement de vie, il y en a d'autres qui tendent vers la mort. L'arrêt est impossible, il faut se mouvoir dans un sens ou dans un autre, et le réactionnaire endurci, le libéral douceâtre qui poussent des cris d'effroi au mot de révolution, marchent quand même vers une révolution, la dernière, qui est le grand repos. » (E. Reclus)

« La concentration marquée de la propriété foncière eut pour effet que de plus en plus de Spartiates furent privés du statut de citoyen à part entière, ce qui eut des conséquences militaires désastreuses. Deux générations après son succès final, sa victoire sur Athènes dans la guerre du Péloponnèse, Sparte n'était plus qu'une cité-État d'importance relativement modeste. » (Finley)

« Si nous rattachons l'étude des fêtes à celle de la vie sociale, ce n'est pas par caprice d'auteur. L'art et la magnificence que l'Italie de la Renaissance déploie dans les fêtes qu'elle donne, n'ont pu se produire que grâce à la vie en commun de toutes les classes, qui d'ailleurs forme aussi la base de la société italienne. » (Burckhardt)

« Il n’y avait pas la culture de l’Élite, et celle du Peuple : l’une et l’autre avaient en commun les mêmes signes, qui leur permettaient de se reconnaître membres d’une même cité, et d’y trouver leur place. » (Charbonneau)

« Au cours de l'histoire, certains groupes sociaux se sont ainsi accaparé les moyens d'imposer leur vision des choses, faisant volontiers passer pour universels des récits qui, en réalité, servent leurs seuls intérêts. » (Larrère)

« Et pour les survivants, l'accablement de malheurs si violents qu'à la fin, nombreux furent ceux qui perdirent la mémoire : tout souvenir de leur vie passée fut effacé comme une éponge - totalement oblitéré, aboli; nombreux furent ceux qui perdirent la raison, certains sous la forme tranquille d'une mélancolie songeuse, certains sous la forme plus agitée du délire fébrile et du trouble nerveux, d'autres sous la forme définie de l'excitation maniaque, de la folie furieuse, ou de l'idiotie profonde. » (De Quincey)