mardi 12 juin 2018

CARNET DE CITATIONS Société 24



« Seul un homme n'ayant aucun respect de lui-même peut trouver une consolation dans le fait d'être une victime et même en tirer orgueil. Moi, je ne vois là aucune raison d'être fier. »  (Andreïev)

« Si l'étranger constitue un paradigme politique fondamental - au point qu'on pourrait presque juger une société au sort qu'elle réserve à ses étrangers -, l'étrange serait son corollaire esthétique fondamental, celui qui apparaît dans les récits de Franz Kafka ou dans l'effet d"inquiétante étrangeté" analysé par Freud à la même époque. (...) L'étranger comme l'étrangeté ont pour effet de jeter un doute sur toute réalité familière. Il s'agit, à partir de cette mise en question, de recomposer l'imagination d'autres rapports possibles dans l'immanence même de cette réalité. » (G. D. Huberman)

« Jusque dans notre peur, quelque chose était en train de changer, du fait même qu'à travers la notion de catastrophe le rapport entre le réel et l'imaginaire semblait s'inverser. » (A. Le Brun)

« Au zénith du citadin il n'y a plus de soleil, mais la pendule du bureau. » (Charbonneau)

« Il advint que le globe avait été presque entièrement parcouru, et que l'on pouvait alors feuilleter l'atlas à livre ouvert - ce livre de sable enfin parachevé, du moins : presque. Du fin fond des sables lointains avaient disparu les terres inconnues, et là plus ni lions, ni dragons, ni sciapodes. » (Siebauer)

« L'homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l'avenir et pour ses semblables, semble travailler à l'anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction de sa propre espèce. » (Lamarck)

« ... et toute l'atmosphère était maintenant devenue un vaste laboratoire de mouvements hostiles en tout sens. » (de Quincey)

« & aussi que la plupart certainement n'avaient pas réclamé, n'avaient pas voulu en personne ces déprédations, n'avaient pas exigé en leur nom cette mise au pillage, tout ce cyclopéen d'extraction et de razzias, de récoltes à blanc, cette dénudation brutale de la vie terrestre - ni rien en particulier de ce qui a fait le lit de ce désordre menaçant; néanmoins qu'ils voulurent bien ce qu'on leur procurait, et non seulement le strict utilitaire mais encore le très superflu par rotation de porte-containers, les commodités flatteuses à la négligence et au manque de goût, toute cette profusion sous blister ou en armoires de congélation; qu'ils furent preneurs volontiers de ces innovations de l'informationnel à porter sur soi qui leur sont maintenant des indispensables à épanouir leur individu; qu'ils aient peu renâclé à cet envahissement : "Je ne suis pas le donneur d'ordre", s'exonèrent-ils ("Je n'y suis pour rien si c'est devenu comme ça", "On n'avait rien demandé, mais c'est là autant s'en servir", etc.) Qui est assez en duplicité le "Je n'ai pas demandé à vivre" de l'adolescent maussade. On lui répondra : Mais si, tu ne serais pas là sinon; et aux autres : Mais si, on n'en serait pas là sinon. » (B. de Bodinat)

« Comment une structure socio-économique qui ne prône que la flexibilité, la dissolution, le profit et la rentabilité immédiats pourrait-elle engendrer chez ceux qu'elle modèle le moindre respect pour ce qui dure, vaut au-delà de l'instant et n'est pas périssable comme un vulgaire produit de consommation courante ? Elle-même bâtit sur du vent.
Le vandalisme qu'elle subit, elle le sème quotidiennement en dégradant le sol, le paysage et les villes. Elle ne peut donc se plaindre d'un mauvais traitement et crier au scandale. Son nihilisme lui revient dans la gueule comme un boomerang, et il faut avouer qu'elle l'a bien cherché. » (Bégout)

« Je n'étais pas rentré à Fenyang depuis un an et demi déjà. Il m'a semblé que tout avait beaucoup changé. (...). Il y avait parmi ces habitants certains de mes vieux amis avec lesquels je m'entendais très bien. Nous avions grandi ensemble, mais lorsqu'ils ont eu dix-huit ans, leur vie s'était comme interrompue. Ils n'avaient plus la moindre aspiration. Ils ont été pris dans une unité de travail, embauchés à l'usine, puis ont suivi le cours de la vie quotidienne. J'ai été profondément troublé par cet accablement, cette altération qui vide les relations humaines de tout romanesque. » (Jia Zhangke)

samedi 9 juin 2018

CARNET DE CITATIONS : HISTOIRE/HISTORIOSOPHIE 19



« Il est évident que la succession dans l'histoire n'est pas extérieure à la qualité profonde des pensées et des œuvres. Le lien organique que constitue cette succession existe même entre des poètes et des penseurs qui se sont ignorés; et un être aussi original, favorisé d'illuminations aussi soudaines que le fut Rimbaud, a eu la très claire intuition de cette valeur essentielle du déroulement historique : "Viendront d'autres horribles travailleurs, ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé." (Béguin)

« Toute tradition authentique paraît de prime abord ennuyeuse parce que et dans la mesure où elle nous est étrangère. (...) Un esprit imprégné de l'actuelle demi-culture est fermé à toute poésie (sauf à la poésie de tendance), et les œuvres les plus savoureuses du passé, il les trouve ennuyeuses, parce qu'elles ne sont pas taillées sur mesure pour lui comme les romans du jour. » (Burckhardt)

« Nous avons pris pour point de départ le seul élément invariable qui pût se prêter à une pareille étude : l'homme avec ses peines, ses ambitions et ses œuvres. Aussi nos considérations auront-elles, dans une certaine mesure, un caractère pathologique. » (Burckhardt)

« Quand nous disons que la révolution sociale doit se faire par l’affranchissement des Communes, et que ce sont les Communes, absolument indépendantes, affranchies de la tutelle de l’État, qui pourront seules nous donner le milieu nécessaire à la révolution et le moyen de l’accomplir, on nous reproche de vouloir rappeler à la vie une forme de la société qui s’est déjà survécu, qui a fait son temps. « Mais, la Commune — nous dit-on — est un fait d’autrefois ! En cherchant à détruire l’État et à mettre à sa place les Communes libres, vous tournez vos regards vers le passé : vous voulez nous ramener en plein Moyen Âge, rallumer les guerres antiques entre elles, et détruire les unités nationales, si péniblement conquises dans le cours de l’histoire ! »
Eh bien, examinons cette critique. » (Kropotkine)

« Le guetteur de rêves à la manière de W. Benjamin ? Celui qui, sans repos, lutte pour arracher l'utopie au mythe. » (Abensour)

« Il faut cependant constater qu'en cessant d'être acteur dans l'histoire on ne se met pas pour autant à l'abri de ses coups : on les reçoit seulement dans un combat que l'on n'a pas choisi. » (Encyclopédie des Nuisances. N°2)

« Quiconque oublie le passé ne saurait lui échapper. » (Brecht)

« Il n'y aura pas de rupture dans l'enchaînement actuel des causes et des effets tant que ceux qui sont contraints de vendre leur travail pour vivre, donc de se vendre eux-mêmes, ne mettront pas fin à cette dépendance et ne deviendront pas enfin, par cette décision, des citoyens libres de décider de leur sort et de déterminer ensemble, selon la raison, ce qu'ils produiront ou ne produiront pas, et selon quels procédés. Ce sera la fin de ce que nous appelons aujourd'hui "l'économie" puisque ces citoyens détermineront consciemment le "mouvement des choses". » (Billeter)

« Car la délibération des citoyens sur la production des biens n'ira pas sans une réflexion commune et continue sur les fins, sur notre existence et ses limites, bref sur notre humanité même - sur toutes ces questions fondamentales dont la raison économique nous a si funestement coupés et qui ont été posées en des temps plus anciens de façon si vive et profonde. » Billeter)

 « Qu’il vienne, qu’il vienne
Le temps dont on s’éprenne. » (Rimbaud)