vendredi 22 septembre 2023

Carnet de citations : Société N°38

 

Tout doit être fait pour nous distraire, le pas décisif ayant été franchi avec la production d'appareils conçus pour que chaque individu soit constamment distrait, de son environnement, de ses proches, de sa propre vie ... La distraction cultive alors l'absence au monde. (Alèssi Dell’Umbria)

Considérer l'objet plutôt que la communication au moment où l'on s'exprime, éveille la suspicion (...). L'expression rigoureuse impose une compréhension sans équivoque, un effort conceptuel dont les hommes ont délibérément perdu l'habitude. (...) Seul ce qu'ils n'ont pas à comprendre leur paraît compréhensible. (Adorno)

Cette irrationalité radicale, essentielle, de la machinerie capitaliste ne peut - on s'en aperçoit bien tard - qu'engendrer des catastrophes. "Le sommeil de la raison engendre des monstres", disait Goya. Ce "sommeil de la raison", c'est ici son atrophie en raison instrumentale asservie à la dévastatrice production de valeur. (Daniel Blanchard)

Le touriste cosmopolite et le migrant irrégulier enfermé dans un camp sont au fond les deux visages indissociables de la mondialisation ; la mondialisation d’ouverture et de fermeture, la mobilité et l’immobilité, doivent être comprises dans leur lien de causalité. (Steffen Mau)

Tout projet politique alternatif doit passer par une réappropriation des savoirs-faire, dès lors soustraits aux processus de production industrielle.(...) Les outils hypertechnologiques sont intrinsèquement liés à l'exploitation d'une main-d’œuvre bon marché et à la soumission de la nature, au saccage et à la dévastation de l'environnement, à l'ignorance et à l'apathie, à la guerre et à la mort, à la mystification et au conformisme. Leur développement relève à la fois d'une volonté de domination et d'une course au profit constante. (Stefano Boni)

Le capitalisme, je le définirai comme l'assujettissement de la vie sociale à la rentabilisation sans fin du capital au profit de ceux qui le détiennent. "Sans fin" a dans cette définition un sens double : 1° cette rentabilisation conduit à une accumulation qui n'a d'autre finalité qu'elle même, 2° cette accumulation n'a pas de limite parce que à un nombre, quel qu'il soit, on peut toujours en ajouter encore un. Ce mécanisme et l'action qu'il dicte ont un effet double : la concentration croissante du capital et la dissolution concomitante de tout ce qu'il met sous sa loi : la nature, l'activité humaine, le lien social, la vie politique, le sujet, la pensée, le langage. Cette dissolution est plus ou moins avancée selon les cas, mais son œuvre de mort est partout. (Jean-François Billeter)

Si l’éducateur est celui qui sait, si les élèves sont ceux qui ignorent, il incombe au premier de donner, de remettre, d’apporter, de transmettre comme en dépôt son savoir aux seconds. Il n’est donc pas étonnant que, dans cette vision “bancaire” de l’éducation, les élèves soient vus comme des êtres d’adaptation, d’ajustement. Et plus ils s’emploient à archiver les dépôts qui leur sont versés, moins ils développent en eux la conscience critique qui leur permettrait de s’insérer dans le monde, en transformateurs de celui-ci. En sujets. Dans la mesure où cette vision bancaire de l’éducation annule ou minimise le pouvoir créateur des élèves, qu’elle stimule leur naïveté et non leur esprit critique, elle satisfait les intérêts des oppresseurs : pour eux, il n’est pas fondamental de mettre à nu le monde, ni de le transformer. (Paulo Freire)

Les hommes du capitalisme ne contrôlent plus rien du métabolisme hommes/nature, bien qu'ils sachent pertinemment qu'il se dégrade gravement. Aucun des moyens évoqués ci-dessus ne permet au capital de sortir de sa décadence sénile puisqu'elle est structurelle et plonge ses racines dans ce qui produit et reproduit le capital et s'étiole : le travail. Ces moyens sont et seront néanmoins mis en œuvre parce que la dynamique du capital est automate, et qu'il trouvera toujours des hommes qui s'attacheront à en être les exécutants, tant pour des raisons financières qu'idéologiques, et aussi par soumission. (Tom Thomas)