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Sans-titre - Kandinsky
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Idéologie
On ne peut combattre le
capitalisme par l’idéologie car le capitalisme est précisément
l’idéologie réalisée, celle du libéralisme marchand qui par le
biais de l’Économie politique a amalgamé toutes les idéologies.
D’une certaine manière, le capitalisme est le triomphe de
l’idéologie.
C’est ce à quoi l’on
assiste avec ce que l’on appelle la Mondialisation : des régimes
proposant initialement des formes idéologiques en apparence
parfaitement contraires - citons pour illustration la Chine, les
États-Unis, les monarchies pétrolières, l’Inde – se retrouvent
dans un même système global produisant les mêmes effets. La grande
force du capitalisme, c’est que par sa dynamique productiviste, sa
forme spécifique de valorisation, sa logique concurrentielle, il a
été en mesure de récupérer tout ce qui semblait lui être
contraire et cela précisément en les réduisant à des idéologies
qu’il a pu alors s’amalgamer.
Citons ici pour l’exemple et
en vrac, les religions, le féminisme, l’écologie, la démocratie
et tout aussi bien le fascisme. Voilà donc des formes d’expression
très diversifiées dont aucune d’entre elles ne peut pourtant
prétendre se tenir, en tant qu’idéologie, hors du capitalisme.
Certains verront dans les guerres à répétition se produisant sur
toute la surface de ce monde là une contradiction avec cette
globalisation particulière mais il n’en est rien ; l’état de
guerre permanent est tout au contraire intrinsèque à l’idéologie
capitaliste, participe de sa continuité et de son renouvellement, de
son tout changer pour ne rien changer.
En tant qu’idéologie
réalisée et par son empire sur le monde et la société
contemporaine, le capitalisme a tout intérêt en effet à vouloir
faire oublier qu’il n’est lui-même qu’une forme d’idéologie
qui a réussi à s’imposer jusqu’à pouvoir se faire passer pour
un naturalisme de la société humaine. Tout ce qui ne veut pas
prendre place dans son monde et prétend lui résister sera par
contre qualifié par ses représentants de positionnement
idéologique, voulant signifier
par là et en leur
vocabulaire particulier, une
absence de réalisme. L’on
voit bien à quelle sorte de réalisme il
est fait, sous couvert, allusion : c’est que le capitalisme est
aussi une théologie avec sa
sacro-sainte croissance et
son dieu unique, l’argent (In
god we trust). Sauf
à se réduire à un sectarisme condamné à l’insignifiance, on ne
peut donc combattre le capitalisme par l’idéologie car celle-ci ne
pourra lui être contraire qu’illusoirement.
On
ne peut espérer vaincre un ennemi en se tenant sur son terrain et
en se déplaçant à l’intérieur de ses catégories. On
ne doit pas non plus se laisser piéger par son langage, par son
inversion du sens des mots qui est presque devenue une norme des
temps présent. Or vouloir se
situer dans un cadre idéologique, c’est limiter notre champ
d’intervention et les
possibles qui s’ouvrent encore à nous,
c’est se laisser circonscrire dans
le récupérable, dans la
représentation, dans le Spectacle.
C’est
le destin de toutes les idéologies de finir par s’écrouler face à
leurs contradictions internes et face à ce que celles-ci provoquent
sur le terrain pratique et historiquement et il en est de même avec
le capitalisme à l’écroulement
duquel nous sommes bien en train d’assister ; avec toutefois une
interrogation assez lancinante aux vues de l’état des choses :
Cette idéologie totalitaire
et aveugle à sa propre
négativité comme toutes les
idéologies, va-t-elle
entraîner l’humanité dans sa perte ?
C’est
donc bien un tout autre
réalisme qui, face à cette situation d’extrême urgence, exige de
nous extraire de tout enfermement idéologique qui n’aurait pour
effet que de creuser les séparations entre tous
ceux qui comprennent la
nécessité de sortir au plus vite de ce monde là, conscients de
l’enfer vers lequel il nous entraîne inexorablement.
Il
faut donc comprendre que dépasser le capitalisme, vouloir vraiment
en finir avec lui, c’est aussi dépasser l’idéologie. C’est
bien ce que propose le projet communaliste en ouvrant par le pouvoir
des assemblées de base, réunissant
toutes les diversités, à la
naissance d’une intelligence collective
qui n’aura que faire des
idéologies et qui
travaillera tout au contraire à leur dépassement.
Il
ne s’agira pourtant nullement de faire table rase du
passé historique mais de
retrouver tout au contraire tout ce qu’il y avait de vivant, de
créatif et d’imaginatif à la source de bien des idéologies mais
qui à vouloir se transformer en dogme, très souvent par le biais de
logiques autoritaires, a fini par se retourner contre lui-même.
C’est seulement à cette
condition que le passé sera en mesure de nourrir le futur en prenant
place ainsi dans cette intelligence collective que nous appelons de
nos vœux.
Ideology
You can’t fight capitalism with
ideology, because capitalism is precisely the ideology realized by
market liberalism, which, through Political Economy, has amalgamated all
ideologies. In a way, capitalism is the triumph of ideology.
This is what we’re witnessing with what
is known as Globalization: regimes initially proposing ideological forms
that appear perfectly opposed – let’s cite China, the United States,
the oil monarchies and India as examples – find themselves in the same
global system, producing the same effects. The great strength of
capitalism is that, through its productivist dynamic, its specific form
of valorization and its competitive logic, it has been able to
recuperate everything that seemed to be contrary to it, precisely by
reducing them to ideologies that it was then able to amalgamate.
By way of example, let’s mention
religions, feminism, ecology, democracy and fascism. These are all
highly diversified forms of expression, none of which can claim to be
ideologically separate from capitalism. Some may see in the repeated
wars occurring all over the world a contradiction with this particular
globalization, but this is not the case. On the contrary, the permanent
state of war is intrinsic to capitalist ideology, part of its continuity
and renewal, of its changing everything in order to change nothing.
As a realized ideology, and by virtue of
its empire over the world and contemporary society, capitalism has
every interest in trying to make people forget that it is itself no more
than a form of ideology that has succeeded in imposing itself to the
point of being able to pass itself off as a naturalism of human society.
On the other hand, anything that does not want to fit into its world
and claims to resist it will be qualified by its representatives as
ideological positioning, meaning by this, in their particular
vocabulary, an absence of realism. It’s easy to see what kind of realism
is being alluded to: capitalism is also a theology, with its sacrosanct
growth and its only god, money (In god we trust). Unless we reduce
ourselves to a sectarianism condemned to insignificance, we can’t fight
capitalism with ideology, because ideology can only illusorily work
against capitalism.
We cannot hope to defeat an enemy by
standing on its ground and moving within its categories. Nor should we
allow ourselves to be trapped by his language, by his inversion of the
meaning of words, which has almost become a modern-day norm. However, to
want to situate ourselves within an ideological framework is to limit
our field of intervention and the possibilities still open to us, to
allow ourselves to be circumscribed within the recoverable, within
representation, within the Spectacle.
It’s the fate of all ideologies to
eventually collapse in the face of their internal contradictions and
what they provoke in practice and historically, and it’s the same with
capitalism, whose collapse we’re now witnessing; but with a rather
nagging question in view of the current state of affairs: Will this
totalitarian ideology, blind to its own negativity like all ideologies,
lead humanity to its doom?
In the face of this extremely urgent
situation, it’s a completely different kind of realism that requires us
to extricate ourselves from any ideological confinement that would only
serve to deepen the divisions between all those who understand the need
to get out of this world as quickly as possible, aware of the hell
towards which it is inexorably dragging us.
We need to understand that overcoming
capitalism, really wanting to do away with it, also means overcoming
ideology. This is exactly what the communalist project proposes, by
using the power of grassroots assemblies, bringing together all
diversities, to give birth to a collective intelligence that will have
no use for ideologies, and will instead work to overcome them.
This will in no way mean wiping the
slate clean of the historical past; on the contrary, it will mean
rediscovering all that was living, creative and imaginative at the
source of many an ideology, but which, by seeking to transform itself
into dogma, very often through authoritarian logic, has ended up turning
against itself. Only then will the past be able to nurture the future,
taking its place in the collective intelligence we so earnestly desire.