samedi 17 septembre 2016

Villains of All Nations (Pirates de tous les pays)

Sur les eaux tumultueuses du négatif

Une étude très bien documentée sur ce que furent réellement les pirates et ce qu'ils représentèrent. L'ouvrage se concentre principalement sur le premier quart du dix-huitième siècle et la région des Caraïbes ainsi que sur la côte ouest de l'Afrique. Sont exposés tout aussi bien la vie à bord des navires que le contexte historique et les enjeux politiques; éléments de compréhension essentiels si l'on veut aller au-delà du folklore et des clichés.
Ainsi, on apprendra que les principales cibles de ces affreux pirates furent les bateaux négriers appartenant aux grands marchands d'esclaves basés à Londres. Honorables hommes d'affaire qui émargeaient souvent au Parlement anglais et usèrent de toute leur influence pour organiser la répression contre ces trouble-fêtes. 

Ces irresponsables, en effet, non contents de s'emparer des bateaux, libéraient les esclaves entravés au fond des cales, les traitant en égaux.


Quand on sait l'importance que prit l'esclavage en ces moments fondateurs du capitalisme moderne, on comprend la colère de ces honnêtes commerçants de l’establishment, frustrés dans leurs espoirs de gras bénéfices tirés du trafique d'êtres humains.
Tout sera fait alors pour donner des pirates la plus épouvantable image possible : violeurs, assassins, ennemis de la religion, déments sans foi ni patrie. D'autant plus que ces incontrôlables recevaient souvent un très inquiétant soutien populaire, les bougres ! Vraiment inexcusables.
De plus, ils avaient de scandaleuses habitudes de partage équitable du butin et de démocratie directe, élisant et destituant à leur guise leurs officiers : les monstres !
Comment concilier cela avec le profit dont tout le monde sait qu'il nait de l'asservissement ?


Un mot concernant l'édition française dont l'on regrettera l'illustration médiocre, pas vraiment à la hauteur de l'ouvrage.
Un extrait de la belle préface de Julius Van Daal :
"Nul parfum de "nihilisme" avant la lettre dans les dilapidations effrénées et l'intrépidité vertigineuse qu'ont décrites des chroniqueurs offusqués par cette fast life, ce vivre-vite jugé absurde, voire démoniaque. Bien au contraire : de cette fulgurance anarchique, de cette imprévoyance délibérée naissaient une volonté commune, une cohésion rebelle. Et ce goût du renversement se révélait propice à l'accomplissement des plus beaux exploits au détriment des ennemis de la liberté. Cette quête d'une vraie vie sur les eaux tumultueuses du négatif constituait une mise à nu tragique du système marchand, une réponse railleuse à son extension planétaire, une sagesse en mouvement. Dans le secteur hautement stratégique de l'offensive capitaliste qu'était alors le transport maritime, les pirates critiquaient en actes les aberrations du principe de rentabilité - et les âmes d'épiciers, les esprits policiers s'en trouvèrent à jamais désolés."

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