Sans doute et de toute éternité, les
relations entre culture et domination furent empreintes d’ambigüité ; toute
domination, cherchant à s’établir dans la durée, voulant faire parure de la
culture pour dissimuler les réalités de sa désolation. Or par nature, aucune
forme artistique ne fit jamais sens qui ne fut dans son essence, critique de la
domination, dévoilement plus ou moins explicite de son obscénité et de sa
volonté criminelle.
Les relations entre ces deux pôles, en
vérité parfaitement incompatibles, furent donc sujet à de multiples
fluctuations selon les époques et en relation directe avec l’ensemble des
rapports de force caractérisant chacune de ces époques.
Pour simplifier, la domination n’eut
donc jamais d’autre choix que d’une part, les différentes formes de censure ou
de répression dissimulées sous différents prétextes, d’autre part la solution
consistant à « acheter » les artistes et leur complicité.
La première option n’eut jamais de
résultats satisfaisants qu’à court terme, ayant pour conséquence de renforcer
les résistances souterraines toujours plus difficiles à contrôler et donnant de
plus des pouvoirs en place une image peu flatteuse et terriblement dénudée.
La seconde, et tout spécialement en
notre belle modernité, sembla donc nettement plus profitable. Le fait que ce
mercantilisme culturel ait pour effet d’assécher rapidement toute
créativité (combien dure un réalisateur
de génie importé en milieu hollywoodien ?) pouvant être considéré comme un
simple effet collatéral ; et ce d’autant plus que ces « artistes » prêts à se
vendre et souvent à bas prix, semblent toujours plus nombreux à se bousculer au
portillon.
Ne peut-on constater que, par l’un de
ces renversements miraculeux dont seule est capable la domination du marché, le
seul fait de vouloir se vendre peut désormais faire de vous un «artiste» et un
« intellectuel » et ce tout à fait indépendamment d’un quelconque talent.
On comprendra mieux alors le sens, qui
était resté jusqu’à maintenant quelque peu obscur, de la revendication toute
française d’une Exception culturelle : il s’agissait en fait d’exiger
d’avoir le droit de se vendre sans honte, dès lors que l’on se proclamait
artiste ou travaillant « pour l’art ». Revendication à laquelle la domination
ne pouvait que donner son assentiment enthousiaste et promettre en retour que
tout artiste ou créateur qui ne voudrait se "vendre" n'aurait plus désormais
aucune visibilité.
Certains esprits malveillants
prétendront que dans ce mouvement, c’est l’ensemble de la culture et de la
chose artistique qui est désormais réduit à rien ; comme si l’on avait rien
sans rien !
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