dimanche 3 décembre 2023

La nouvelle raison du monde


 

La nouvelle raison du monde  

Essai sur la société néolibérale (2009/2010)

de Pierre Dardot et Christian Laval

 

Présentation :

« Il est devenu banal de dénoncer l'absurdité d'un marché omniscient, omnipotent et autorégulateur. Cet ouvrage montre cependant que ce chaos procède d'une rationalité dont l'action est souterraine, diffuse et globale. Cette rationalité, qui est la raison du capitalisme contemporain, est le néolibéralisme lui-même. Explorant sa genèse doctrinale et les circonstances politiques et économiques de son déploiement, les auteurs lèvent de nombreux malentendus : le néolibéralisme n'est ni un retour au libéralisme classique ni la restauration d'un capitalisme " pur ". Commettre ce contresens, c'est ne pas comprendre ce qu'il y a précisément de nouveau dans le néolibéralisme : loin de voir dans le marché une donnée naturelle qui limiterait l'action de l'État, il se fixe pour objectif de construire le marché et de faire de l'entreprise le modèle du gouvernement des sujets.
Par des voies multiples, le néolibéralisme s'est imposé comme la nouvelle raison du monde, qui fait de la concurrence la norme universelle des conduites et ne laisse intacte aucune sphère de l'existence humaine. »

 

Extraits choisis :


Mieux vaut dire que le capitalisme s'est réorganisé sur de nouvelles bases dont le ressort est la mise en œuvre de la concurrence généralisée, y compris dans l'ordre de la subjectivité.


L'État est désormais tenu de se regarder lui-même comme une entreprise, tant dans son fonctionnement interne que dans sa relation aux autres États. Ainsi, l'État, auquel il revient de construire le marché, a en même temps à se construire selon les normes du marché.


À la gouvernementalité néolibérale comme manière spécifique de conduire la conduite des autres, il faut donc opposer un double refus non moins spécifique : refus de se conduire vis-à-vis de soi-même comme entreprise de soi et refus de se conduire vis-à-vis des autres selon la norme de la concurrence. (...) L'invention de nouvelles formes de vie ne peut-être qu'une invention collective, due à la multiplication et à l'intensification des contre-conduites de coopération.


Il est frappant de constater à quel point la mise en question des droits sociaux est étroitement liée à la mise en question des fondements culturels et moraux, et pas seulement politiques, des démocraties libérales. Le cynisme, le mensonge, le mépris, le philistinisme, le relâchement du langage et des gestes, l'ignorance, l'arrogance de l'argent et la brutalité de la domination valent des titres à gouverner au nom de la seule "efficacité". Quand la performance est le seul critère d'une politique, qu'importe le respect des consciences, de la liberté de pensée et d'expression ...


La croyance selon laquelle la crise financière sonne d'elle-même la fin du capitalisme néolibéral est la pire des croyances. Elle fait peut-être plaisir à ceux qui pensent voir la réalité se porter au-devant de leurs désirs sans qu'ils aient à bouger le plus petit doigt. (...) Elle est au fond la forme de démission intellectuelle et politique la moins acceptable.  

Le capitalisme néolibéral ne tombera pas comme un "fruit mûr" du fait de ses contradictions internes. Il n'y a rien que des hommes qui agissent dans des conditions données et qui cherchent par leur action à s'ouvrir un avenir.


 

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