« Tuer n’est pas assassiner » n’est pas qu’un pamphlet contre la
tyrannie qui fit pourtant trembler, nombre des ses représentants depuis
sa parution. Il est aussi une remarquable analyse des logiques de
récupération, au profit de quelques-uns, qui suivirent jusqu’ici chaque
révolution.
Car Edward Sexby, colonel élu par son régiment dans l’armée que le
parlement leva contre le roi au moment de la révolution anglaise,
symbolise aussi fortement l’instant, si fugitif jusqu’à présent, de la
démocratie. Du parti des « Niveleurs », Sexby, délégué par son régiment
au « Débat de l’armée » tenu à Putney en Octobre-Novembre 1647, n’hésita
pas à s’opposer violemment au clan de Cromwell : « On nous avait
appelés pour le service du royaume, nous avons risqué notre vie pour que
soit rétablis nos droits innés ; plusieurs milliers de nous autres
soldats, sont morts pour cela. Et voici qu’à présent, on nous dit que
l’homme qui n’est pas propriétaire n’a aucun droit dans ce royaume. Je
m’étonne qu’on nous ait trompés à ce point-là. (…) Venons-en à ces
déchirures, à ces divisions qu’ainsi je provoquerais selon vous ! »
Sexby ne s’arrêta pas en si bon chemin et en 1652-1653, nous le
retrouvons à Bordeaux pendant la Fronde, inspirateur de la fraction
révolutionnaire de « L’Ormée » dont l’action fut suffisamment efficace
pour que Mazarin dans une lettre du 10 Aout 1653 au duc de Vandôme
puisse écrire : « Tout le monde est d’avis que, quand même les ennemis
seraient aux portes de Paris, il ne faudrait pas faire revenir les
troupes qui sont en Guienne, avant qu’on fut assuré de pouvoir faire
dans Bordeaux ce qui est absolument nécessaire. »
Sexby fut traduit en français dès 1658 par Carpentier de Marigny, un
proche du cardinal de Retz, puis réimprimé en 1793 et encore en 1804, où
la police de Bonaparte le fit rapidement saisir.
On ne peut que regretter que ce livre ait « perdu de son actualité avec
les récents progrès de la société mondiale, du fait de la disparition
presque total du citoyen. » Mais il est vrai que la domination se pose
désormais presque partout en représentante de la démocratie et défenseure des « libertés ».
Les « adjutators » puis « agitators » fut le nom donné aux délégués
élus par leurs régiments en 1647. On ne s’étonnera pas que d’habiles
falsificateurs aient réussi à donner ultérieurement au mot un sens
beaucoup plus péjoratif.
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