dimanche 16 février 2014

ETRE UN – CONTRE LA SCHIZOPHRENIE SOCIALE



Pour résister aux différentes formes et dispositifs d’aliénation et de réification de l’être, mis en place par la domination dans la société du spectacle, il existe un moyen relativement simple : être un.
En d’autres temps, moins médiocres et moins malheureux il aurait semblé tout à fait superflu d’expliquer un tel phénomène, alors évident et naturel pour la plupart des êtres humains.
Force est de constater qu’au stade actuel du non-devenir humain, cette évidence a disparu.

Ce que je désigne ici par le concept de « schizophrénie sociale » est un processus illusoire de « gestion de la séparation ».
De même qu’à un stade précédent la domination marchande a introduit la division du travail pour servir à ses besoins ( à savoir, essentiellement séparer le producteur de sa propre réalisation pour qu’il cesse de s’y reconnaître et par là-même rendre l’exploitation du travail bien plus aisée  ) de même au temps de la séparation quasi généralisée entre les êtres, conséquence directe du rapport marchand universalisé,  est devenue nécessaire  l’introduction d’une forme sociale de substitution face à la disparition de toute communauté réelle.  C’est donc l’être même qui sera divisé dans la parcellisation de sa réalité et le cloisonnement de son univers subjectif ; le but étant de rendre utilisables par le système marchand des individus confrontés à des réalités objectives parfaitement incompatibles entre elles mais dont la logique présente de la domination exige qu’ils s’en accommodent.
Les plus récents outils de la technologie, ont comme point commun et objectif central l’accélération de ce processus comme techniques de maintenance de la division et de la séparation non seulement entre les individus mais à l’intérieur de chaque esprit.
Car si pour la domination la priorité demeure toujours de supprimer pour les populations toute possibilité de décider quoique ce soit dans le devenir du monde et dans leurs propres devenirs, la participation « volontaire » du plus grand nombre reste nécessaire.
La gestion individuelle de la séparation doit donc se présenter illusoirement comme un choix librement consenti, comme l’expression d’une liberté nouvelle, comme autogestion.
C’est la quasi-impossibilité pour un grand nombre d’individus dans la société du spectacle  (« Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation ») d’acquérir une expérience et de faire face aux multiples contradictions auxquelles ils sont confrontés, à la fois dans le domaine pratique et dans le domaine subjectif, qui les amène à faire le choix de cette « liberté ».
Le totalitarisme marchand produit ainsi les conditions objectives de la continuité de son règne.

La schizophrénie sociale est donc une forme volontaire de la représentation, d’autogestion du non-vécu dissimulée sous le masque de la convivialité. Comme telle elle devra être déclarée comme pleinement satisfaisante, au cœur même de la solitude des êtres séparés, par ceux-la même qui la mettant en œuvre en sont les premières victimes.
L’illusion consiste précisément à croire que l’on pourra esquiver les contradictions par le cloisonnement de sa réalité en univers distincts et sans communication. Mais par la-même l’unité de l’individu est brisée et tout rapport humain véridique rendu impossible.
Sous ses différents masques l’être devient alors non-connaissable.
La séparation que l’on croit tenir en dehors est en fait d’abord en soi comme dissolution.

Les contradictions existent et pour les résoudre, les dépasser, il faut savoir les regarder en face.
La fuite devant les contradictions, qui sont d’abord en nous-mêmes, est la manifestation pratique de l’immaturité de l’être dans la société du spectacle.
Dans cette immaturité, il y a évidemment la prédominance de l’ego avec les différents comportements sociaux aberrants qui en résultent.
Ainsi, par exemple, l’absurde croyance que sa propre activité, aussi insignifiante soit-elle, prédomine sur celles des autres et devrait donc polariser leur attention et déterminer leur emploi du temps.
L’accord des autres semble alors superflu, leur désaccord intolérable.

Être un oblige à se confronter à la négativité, d’en reconnaître la nature en identifiant les contradictions  en soi et dans la structure sociale aliénée.
Cela oblige à faire des choix et ensuite d’en assumer la responsabilité et les conséquences, à comprendre que certaines conciliations sont impossibles.
Être un, c’est construire sa propre unité d’individu de manière à ne plus avoir à porter de masque, à pouvoir être le même avec tous.
Être un, c’est pouvoir vivre le passage du temps comme un ensemble et non comme une suite de moments séparés et sans relation.
Il semblerait bien qu’être un soit la condition préalable à toute véritable liberté.
(Ce texte est l'abrégé d'un autre écrit il y a déjà quelques années)

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