En 1988, avec le concept de Spectaculaire Intégré et 20 ans après son
analyse globale effectuée avec "La société du spectacle", Debord décrit
avec une rare lucidité les nouvelles conditions de notre époque ou
désormais le mensonge, la falsification, sont au cœur de la réalité
sociale et des formes actuelles de la domination. Pour se donner une
chance d'échapper et de pouvoir combattre cette aliénation mondialisée,
encore faut il en reconnaître la nature et l'origine.
A ce jour, personne mieux que Debord n'a su en faire une description aussi exacte et aussi complète.
Quelques lecteurs, manquant quelque peu de distance, trouveront sans
doute quelque exagération dans ce livre et ce en toute bonne foi
puisqu'ils ne sont pas en mesure d'évaluer objectivement l'ampleur et le
sens des transformations de la structure sociale dans son ensemble.
Il aura pourtant suffit d'une cinquantaine d'années pour que les notions
de devenir humain ou de Monde commun perdent pratiquement toute saveur
et tout contenu effectif; laissant chacun seul face aux lois du marché
désormais mondialisé. Mais pour vivre quoi ?
Dans les différents jalons posés en ce livre, on reconnaitra ainsi quelques points cruciaux :
"Le changement qui a le plus d'importance, dans tout ce qui s'est passé
depuis vingt ans, réside dans la continuité même du spectacle. Cette
importance ne tient pas au perfectionnement de son instrumentation
médiatique, qui avait déjà auparavant atteint un stade de développement
très avancé : c'est tout simplement que la domination spectaculaire ait
pu élever une génération pliée à ses lois. Les conditions
extraordinairement neuves dans lesquelles cette génération, dans
l'ensemble, a effectivement vécu, constituent un résumé exact et
suffisant de tout ce que désormais le spectacle empêche; et aussi de
tout ce qu'il permet."
Sur l'émergence du spectaculaire intégré, "En 1967, je distinguais deux
formes, successives et rivales, du pouvoir spectaculaire, la concentrée
et la diffuse. L'une et l'autre planaient au-dessus de la société
réelle, comme son but et son mensonge. La première, mettant en avant
l'idéologie résumée autour d'une personnalité dictatoriale, avait
accompagné la contre-révolution totalitaire, la nazie aussi bien que la
stalinienne. L'autre, incitant les salariés à opérer librement leur
choix entre une grande variété de marchandises nouvelles qui
s'affrontaient, avait représenté cette américanisation du monde, qui
effrayait par quelques aspects, mais aussi bien séduisait les pays où
avaient pu se maintenir plus longtemps les conditions des démocraties
bourgeoises de type traditionnel. Une troisième forme s'est constituée
depuis, par la combinaison des deux précédentes, et sur la base générale
d'une victoire de celle qui s'était montrée la plus forte, la forme
diffuse. Il s'agit du spectaculaire intégré, qui désormais tend à
s'imposer mondialement."
Ou encore, avec ce retour sur la nature du spectateur en relation avec
la passivité contemporaine : "Qui regarde toujours, pour savoir la
suite, n'agira jamais : et tel doit bien être le spectateur. "
Et consécutivement, sur la relation directe entre l'histoire et la
démocratie : "On croyait savoir que l'histoire était apparue, en Grèce,
avec la démocratie. On peut vérifier qu'elle disparaît du monde avec
elle. "
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