dimanche 16 février 2014

La famille ...

"La famille a l'esprit plus petit qu'une petite ville. Plus elle est chaleureuse, plus elle se montre dure pour tout ce qui n'est pas elle, et elle est toujours plus cruelle qu'un être confronté seul à la souffrance du monde. En cantonnant la gloire dans son cercle restreint, où elle est facile à atteindre (la "gloire de la famille"), elle endort l'ambition. Et parce que tous les événements familiaux suscitent une tristesse plus profonde ou une joie plus éclatante qu'ils ne le méritent réellement, parce qu'en famille ce qui n'a rien d'humoristique devient de l'humour, et des peines insignifiantes à l'échelle collective, un malheur personnel, elle est le berceau de toute l'ineptie qui imprègne notre vie publique."

Trouvé cette remarquable analyse de la forme d'aliénation spécifique à la famille dans la nouvelle datée du 11 avril 1926 "La découverte de la famille" de Robert Musil
Déjà, Musil mettait le doigt sur la faille centrale de la structure familiale, sur sa pseudo innocence qui sert d'appoint à cette monstruosité dépourvue de toute conscience qu'est "l'opinion publique"; cette même opinion publique qui permet à la domination son hold-up sur la démocratie.
Car l'opinion publique n'a rien de publique et se construit au contraire dans cette sphère de l'illusion soigneusement entretenue qu'est la famille. Et en ce sens l'on ne peut que constater qu'elle est le lieu même de l'incubation du spectacle, comme socialisation mensongère qui se révèle n'être qu'un en-dehors, un refus du un et commun.
La famille est ainsi le lieu du don arrêté, de la confiscation permanente qui cherche ainsi à se justifier.
C'est bien en elle que nait la haine de "l'autre"  qui imprègne désormais toute la société; la famille ne pouvant maintenir l'apparence de son unité que par le rejet de ce qui lui est extérieure, de la différence.
Se pose ainsi la question de l'appartenance.


Quelle est la relation entre le « Être Un » et le « Un et Commun » ? Il me semble que c’est ici que naissent la plupart des malentendus. Cela tient à un ressort psychologique assez compréhensible : d’un coté, nous devons nous définir comme être particulier, construire notre identité, et de l’autre se pose le problème de l’appartenance et du lien aux autres ; de ce à quoi nous appartenons.
 Nous sommes tous déterminés par cette question, si fondamentale en elle-même.
 Mais ce qui dans une société « normale » demanderait  juste un peu d’intelligence et d’honnêteté devient extrêmement compliqué dans la Société du Spectacle ; car qu’est ce qui unit cette société sinon précisément le Spectacle. Une part importante de ce que nous appelons le lien social, ne trouve d’espace que dans la représentation, que dans l’adhésion à un mensonge socialisé. 
(On relira avec profit à ce sujet le chapitre 3 de La société du spectacle , Unité et division dans l'apparence.)

Il ne s'agit pas ici de chercher à accabler la Famille, ce qui ne présenterait aucun intérêt, mais de discerner plutôt le rôle particulier qu'on lui fait jouer dans le moment socio-historique présent.

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